Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 218

La Convention européenne des droits de l'homme

II.

L'encadrement substantiel de la dérogation

Ici, c'est le § 1 de l'article 15 qui entre en scène en ce qu'il présente trois
critères d'importance inégale. Ils ont été explicités par la Cour au fil de sa jurisprudence à partir de son arrêt fondateur en la matière Lawless (CEDH, 1er juillet
1961, Lawless c/ Irlande). On s'attardera plus avant essentiellement sur les deux
premières conditions (l'existence d'une menace et le respect de l'exigence de
proportionnalité), tout en rappelant succinctement que s'agissant de la troisième
mentionnée à 15 § 1 in fine, oblige les États à concilier les mesures dérogatoires
adoptées avec « leurs autres obligations découlant du droit international », tant
celles découlant du PIDCP - qui contient une disposition similaire (article 4 § 1) -
mais également celles dérivant des conventions relatives au droit humanitaire et
au droit des conflits armés, comme les Conventions de Genève de 1949. Certains
auteurs (R. Ergec) considèrent que le respect des normes de jus cogens comme
les règles coutumières du droit international entrent ici également en ligne de
compte.

A. L'existence d'une menace
C'est en présence d'une « guerre ou en cas d'autre danger public menaçant
la vie de la nation » qu'un État peut activer l'article 15. La Cour eut l'occasion
d'affirmer que « dans le contexte général de l'article 15 de la Convention, le sens
normal et habituel des mots "en cas de guerre ou en cas d'autre danger public
menaçant la vie de la nation" est suffisamment clair ; qu'ils désignent, en effet, une
situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l'ensemble
de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté
composant l'État » (affaire Lawless précitée, § 28).
S'il n'y a pas de grande difficulté à identifier l'existence d'une guerre comme
telle (même si la terminologie contemporaine utilise la notion plus large de « conflit
armé »), il en va différemment de la notion de « crise ou de danger exceptionnel et
imminent » pour reprendre la formule de l'arrêt Lawless. Alors qu'elle est suffisamment large pour appréhender une somme impressionnante de cas de figure
- allant des catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations etc.) en
passant par des catastrophes politiques, comme les coups d'État, les émeutes
ou les insurrections - c'est la question terroriste qui a alimenté la jurisprudence.
Qu'il s'agisse des activités de l'IRA en Irlande du Nord (CEDH, 1er juillet 1961,
Lawless c/ Irlande ; CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni), du PKK (Parti
des travailleurs du Kurdistan) dans le Sud-Est de la Turquie (CEDH, 18 décembre
1996, Aksoy c/ Turquie ; CEDH, 23 septembre 1998, Demir c/ Turquie) ou encore
d'Al-Qaida un peu partout dans le monde après les attentats des Twin Towers
le 11 septembre 2001 qui a poussé certains États à adopter une législation
anti-terroriste à certains égards liberticide (CEDH, Gde Ch., 19 février 2009, A
c/ Royaume-Uni), la Cour a toujours raisonné en utilisant la notion de « danger

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