Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 247

Article 1 - Protection de la propriété (Protocole n° 1)

de l'article 14. Ainsi, à partir du moment où l'État défendeur met en place une
législation prévoyant le versement d'une prestation sociale, elle engendre un
« intérêt patrimonial » qui relève du champ d'application de l'article 1 et qui ne
doit pas être versé, refusé ou retiré de façon discriminatoire. L'arrêt Gaygusuz
- où était en cause une allocation d'urgence pour un chômeur en fin de droits
(CEDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c/ Autriche) - est le premier d'une longue
liste qui a permis à la Cour d'inclure les questions sociales dans le champ conventionnel. Ainsi, toute prestation sociale y compris non contributive, i.e. qui ne dépend
pas du versement préalable de cotisations (CEDH, Gde Ch., 12 avril 2006, Stec
c/ Royaume-Uni), tombe dans le champ d'application de l'article 1 du protocole
n° 1. Les allocations de congé parental (CEDH, 27 mars 1998, Petrovic c/ Autriche),
d'invalidité (CEDH, 12 octobre 2004, Asmundsson c/ Islande), de veuvage (CEDH,
11 juin 2002, Willis c/ Royaume-Uni), de retraite (CEDH, 3 avril 2012, Manzanas
Martín c/ Espagne ; CEDH, Gde Ch., 5 septembre 2017, Fabián c/ Hongrie) ou d'invalidité (CEDH, Gde Ch., 13 décembre 2016, Béláne Nagy c/ Hongrie) sont ainsi
intégrées dans le giron conventionnel.

II.

L'encadrement strict des atteintes
aux « biens »

Au nom de l'intérêt général, les ingérences dans le droit au respect des biens
peuvent être conventionnelles - qu'il s'agisse de « privations de biens » (ainsi des
expropriations qui doivent être d'utilité publique) ou de simples « règlementations
de l'usage des biens » ; encore faut-il que la puissance publique ménage un « juste
équilibre » entre les droits des propriétaires et les exigences de l'intérêt général.
C'est en général dans le cadre du contrôle de la proportionnalité des « privations de propriété » que la jurisprudence de la Cour se déploie. En témoigne la
condamnation de la France dans l'affaire Milhau dans laquelle le requérant avait
été condamné par les juridictions internes à abandonner ses droits de propriété sur
un bien immobilier - qui lui appartenait en propre - et ce, au titre de la prestation
compensatoire suite à son divorce (CEDH, 10 juillet 2014, Milhau c/ France). La Cour
n'eut point de difficultés à constater que la privation de propriété du requérant
« ne pouvait se fonder sur l'incapacité [de celui-ci] de s'acquitter de sa dette par
le versement d'une somme d'argent ». En effet, il ressortait très clairement des
décisions des juges du fond que M. Milhau disposait « d'un patrimoine substantiel »
qui lui aurait permis sans difficulté de s'acquitter de la prestation compensatoire
par le versement d'une somme d'argent... Il est intéressant ici de mentionner le fait
que la Cour européenne valorisa la décision QPC n° 2011-151 du 13 juillet 2011 du
Conseil constitutionnel. N'avait-il pas émis une réserve d'interprétation d'importance quand il avait signifié aux juges ordinaires qu'il fallait entendre l'article 274
al. 2 du Code civil comme permettant la cession forcée au titre de la prestation
compensatoire uniquement à « titre subsidiaire » ? Le dialogue des juges - par le
référencement interposé des décisions de justice, en l'occurrence celle du Conseil
constitutionnel - montre ici toute sa portée constructive.

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