Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 267

Article 3 - Interdiction de l'expulsion des nationaux (Protocole n° 4)

tandis que la notion d'ordre public disparaît au profit de celle d'« intérêt public »,
ce qui a priori a le mérite de déconnecter les questions sécuritaires des questions
d'ordre économique).
Singulière l'affaire l'était également dans la mesure où elle portait au grand
jour une « question de société », autrement dit une question qui laisse à voir des
phénomènes de même nature au sein de sociétés très différentes lesquelles, par
voie de conséquence, ne les traitent pas systématiquement de manière similaire.
En l'occurrence, il s'agissait de la façon dont les Pays-Bas avaient décidé de
combattre la paupérisation de quartiers spécifiques des grands conglomérats
urbains. On sait que de grandes villes en Europe - et, au-delà, de par le monde
- sont confrontées à un phénomène de même type : la paupérisation de certains
quartiers découlant d'une accumulation complexe de facteurs (la délocalisation
d'activités commerciales prospères ; la persistance du chômage des résidents ;
le délabrement des bâtiments publics et privés etc.). Or, chaque État tente, tant
que bien mal, à travers des politiques urbaines ayant pour objectif de promouvoir
la mixité sociale, de trouver les clés pour remédier à la ghettoïsation subséquente
de tels quartiers. Ce phénomène a été pris à bras-le-corps par le législateur
néerlandais qui adoptait le 1er janvier 2006 une loi sur les mesures spéciales pour
les agglomérations urbaines qui habilitait certaines communes à « prendre des
mesures dans certaines zones classées, notamment à accorder des exonérations
fiscales partielles aux propriétaires de petites entreprises et à sélectionner les
nouveaux résidents en fonction de leurs sources de revenus » (§ 20).
C'est sur la base des possibilités offertes par la loi sur les agglomérations
urbaines que la municipalité de Rotterdam - ville portuaire représentant le cœur
industriel des Pays-Bas - classa plusieurs de ses quartiers comme « sensibles ».
Il en fut ainsi du quartier de Tarwewijk où la requérante - une ressortissante
néerlandaise mère célibataire élevant ses deux enfants mineurs - s'était installée
depuis 2005 dans un appartement d'une pièce. Alors que son propriétaire désirait
récupérer ce logement « afin de le rénover pour son usage personnel » (§ 10), il
lui proposa d'intégrer - dans le même quartier de Tarwewijk - un appartement
de trois pièces avec jardin. Se conformant à la nouvelle réglementation qui venait
d'entrer en vigueur en 2006, Mme Garib formula une « demande d'autorisation de
résidence » laquelle fut rejetée en 2007 par les services du bourgmestre, au motif
qu'elle ne totalisait pas six années de résidence dans la commune de Rotterdam
et qu'elle ne bénéficiait que des prestations de la sécurité sociale comme sources
de revenus, deux conditions expressément prévues par la législation (§ 21).
La généralité du raisonnement de la Grande chambre pour arriver à valider
l'interdiction faite à Mme Garib de continuer à vivre dans le quartier de Tarwewijk
fut l'objet principal des dissidences. Le cœur de la contestation a reposé sur
l'idée que la Cour avait plus procédé à une évaluation générale des intérêts en
présence (tels que posés par la loi de 2006), qu'à une analyse précise des effets
de celle-ci sur la situation individuelle de la requérante. Les analyses des cinq
juges dissidents le démontrent sous l'arrêt de Grande chambre.
Après avoir rappelé les principes généraux de sa jurisprudence relative aux
domaines de prédilection de mobilisation de la marge nationale d'appréciation

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