Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 35

Introduction

rôle obtenus suite à un règlement amiable tandis que 38 regroupaient des arrêts
rendus en matière de satisfaction équitable, de révision, d'exceptions préliminaires
et d'incompétence92. La France ne fait pas partie des bons élèves, si on la compare
aux autres démocraties occidentales. Ainsi, son alter ego depuis la fin du second
conflit mondial, l'Allemagne (pour ne pas la nommer) compte pour sa part 340
arrêts rendus à son encontre, dont 195 constatant au moins une condamnation.
Quand on rappelle que la République fédérale ratifiait la Convention dès 1952,
alors que la France attendait 1974 pour le faire et surtout 1981 pour concéder à
accepter le droit de recours individuel, le fossé entre les deux pays est éclatant. Le
même choc apparaît avec la Suède qui procédait à la ratification de la Convention
en 1952 et qui ne compte à son encontre que 153 arrêts, dont 61 constatant au
moins une violation. Que dire de la comparaison avec l'Espagne si ce n'est qu'elle
n'est toujours pas à l'avantage de l'Hexagone ? Le pays du Roi Philippe VI (qui
succédait à Juan Carlos le 19 juin 2014) ratifiait la Convention en 1979, immédiatement après son accession à la démocratie matérialisée par l'adoption de la
Constitution du 27 décembre 1978. Or, l'Espagne ne déplore à son encontre que
167 arrêts dont 112 constatant au moins une violation... Il y a bien évidemment
des raisons objectives qui expliquent ces différences. Le cas de la Suède reflète
d'une manière générale la tenue démocratique exceptionnelle des pays du Nord
de l'Europe, tandis que l'Allemagne et l'Espagne disposent d'une justice constitutionnelle qui fait la part belle aux recours de protection des droits fondamentaux,
qui sont des voies de droit à épuiser avant de présenter une requête à Strasbourg.
Ainsi, beaucoup de violations sont épurées au stade constitutionnel. La question
prioritaire de constitutionnalité (QPC) a - à sa manière - commencé à avoir les
mêmes effets qu'outre-Rhin et outre-Pyrénées au regard des « rapprochements »
jurisprudentiels induits par la prise en compte des standards conventionnels par
le Conseil constitutionnel93.
La cartographie des violations « françaises » démontre que c'est essentiellement la justice qui se retrouve mise à l'index par les arrêts de condamnation de
la Cour européenne. 272 arrêts portaient au grand jour des questions afférentes
à l'équité du procès, tandis que 284 pointaient du doigt la question de la durée des
procédures judiciaires, deux éléments inhérents au « droit au juge » garanti par
l'article 6 § 1 de la Convention (v. com. art. 6). Dans la même mouvance contentieuse, 35 arrêts concernaient le droit à un recours effectif (v. com. art. 13). On
prend la mesure ici d'un fait majeur : la figure nationale qui a subi de plein fouet
le processus de « conventionnalisation » des branches du droit est sans conteste
le juge. Ces statistiques démontrent en effet avec force que l'application de la
92. Les statistiques sont extraites du Rapport annuel 2018, v. CEDH, Strasbourg, 2019, p. 187.
93. Il convient de se reporter ici aux Discours des présidents du Conseil constitutionnel et de la
Cour européenne prononcés au siège du Conseil constitutionnel le 2 mars 2015 à l'occasion
du 5e anniversaire de la QPC (disponible sur le site du Conseil constitutionnel). Sans ambages,
J.-L. Debré et Dean Spielmann, mentionnent moult exemples de ce rapprochement, gage de
convergence jurisprudentielle désirée par les deux institutions judiciaires, v. N. Maestracci,
« L'ouverture implicite aux sources extérieures. Le cas de la France », Les défis de l'interprétation
et de l'application des droits de l'homme. De l'ouverture au dialogue, L. Burgorgue-Larsen (dir.),
Paris, Pedone, p. 159-168.

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