Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 36

La Convention européenne des droits de l'homme

Convention s'impose aux juges français au point de mettre en cause la responsabilité internationale de la France devant la Cour.
Toutefois, ce que ces statistiques ne dévoilent pas, c'est la dialectique inverse :
le fait que la Convention est également appliquée par les juges administratif et
judiciaire qui sont les « juges conventionnels de droit commun » - tandis qu'elle
sert de référent interprétatif au Conseil constitutionnel dans son rôle de gardien
de la Constitution - des éléments qui démontrent la relation symbiotique qu'entretiennent de nos jours les systèmes juridiques. Le lecteur pourra en juger à
l'aune de quelques exemples emblématiques. La jurisprudence de la Cour de
cassation sur les écoutes téléphoniques est déclarée « imprévisible » par la Cour
européenne, source d'insécurité juridique (CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig
c/ France) ? Le législateur met rapidement le métier sur l'ouvrage (loi du 10 juillet
1991) pour réglementer les écoutes téléphoniques. La jurisprudence du Conseil
constitutionnel français relative aux validations législatives est mise à mal par
l'arrêt Zielinski, Pradal, Gonzalez et al. (CEDH, Gde Ch., 28 octobre 1999) ? Le
gardien français de la Constitution réévaluait sans attendre ses exigences aux
fins de contrôle de cette technique qui met à mal, en soi, la séparation des pouvoirs
(Cons. const., 21 décembre 2009, Loi de financement de la sécurité sociale, n° 99-422
DC). La politique législative française en matière de chasse est directement
condamnée par l'arrêt Chassagnou (CEDH, Gde Ch., 29 avril 1999, Chassagnou
et al. c/ France) ? Tant le législateur français (loi Voynet du 26 juillet 2000) que le
juge administratif suprême (CE, 9 novembre 2007, Lasgrezas et Association pour
la protection des animaux sauvages) s'accordent, sans délai, pour s'aligner sur le
standard conventionnel. Le système français de la garde à vue est condamné par
la jurisprudence de la Cour (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie ; CEDH,
13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie) ? Le Conseil constitutionnel s'empresse de
déclarer contraire à la Constitution plusieurs dispositions du Code pénal (Cons.
const., 30 juillet 2010, n° 2010-14/22, QPC), tandis que le législateur - devant le
couperet conventionnel qui est venu conforter la déclaration d'inconstitutionnalité (CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c/ France) - réforme la législation (loi du
14 avril 2011) pour faire en sorte qu'un avocat soit présent dès la première heure
d'une garde à vue. Les arrêts Kress et Martinie (CEDH, Gde Ch., 7 juin 2001, Kress
c/ France ; CEDH, Gde Ch, 12 avr. 2006, Martinie c/ France) font trembler le temple
de la justice en France en mettant en cause des figures procédurales considérées
longtemps comme « exemplaires » (avocat général et commissaire du gouvernement) ? Le déroulement des procès administratif et judiciaire finit par être modifié
après moult débats prenant (parfois) l'allure de psychodrames juridictionnels et
doctrinaux (v. com. art.6). La Cour européenne impose que les jurys populaires
devant statuer sur la culpabilité de prévenus motivent leur jugement ou à tout le
moins le rédigent de manière à être intelligibles (CEDH, Gde Ch., 16 novembre
2010, Taxquet c/ Belgique) ? Une réforme du Code de procédure pénale est immédiatement entreprise et se solde par l'ajout d'un nouvel article 365-1 (suite à la
loi n° 2011-939 du 10 août 2011). La liste pourrait être évidemment plus longue ;
sa présentation n'a eu qu'un seul dessein : démontrer l'importance, aujourd'hui,
de la « contrainte » conventionnelle sur le système juridique français qui, tous les
jours, s'en trouve métamorphosé - à l'instar, cela va sans dire, des systèmes des
46 autres États parties.

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