Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 40

La Convention européenne des droits de l'homme

de mauvais traitements dans le pays de destination, en l'espèce la détention dans
le « couloir de la mort » (CEDH, 7 juillet 1989, Soering c/ Royaume-Uni). Cet arrêt
inaugurait une politique jurisprudentielle audacieuse basée sur l'engagement de
la responsabilité des États dans des hypothèses où il existe des « motifs sérieux »
de penser que le requérant court des « risques réels » de subir des mauvais traitements, que l'État de destination soit ou non partie à la Convention. Cette politique
jurisprudentielle a pris une tournure encore plus audacieuse quand la Cour a
reconnu le caractère contraignant des mesures provisoires ordonnées aux États
(CEDH, 6 février 2003, Mamatkoulov et Abdurasulovic c/ Turquie ; CEDH, Gde Ch.,
4 février 2005, Mamatkoulov et Askarov c/ Turquie). Elles consistent la plupart du
temps à ordonner le sursis à exécution d'une mesure d'expulsion ou d'extradition vers un État tiers lorsqu'il existe un « risque réel » de créer une « situation
irréversible » ou un « préjudice irréparable » (A). Depuis quelques années, cette
thématique se décline entre les États de l'Union, ce qui montre l'incapacité des
« 28 »2 de mettre en place, entre eux, un système homogène et suffisamment
protecteur des droits en matière d'asile (B).

A. Expulsions et extraditions en questions
Le contentieux des diverses mesures d'éloignement du territoire et d'une
atteinte à l'article 3 en cas d'exécution de celles-ci reflète le désordre du monde.
On pourrait dresser une cartographie des conflits armés internes ou des pays
classés « à haut risque » par le seul examen de la nationalité des requérants qui
présentent des requêtes devant la Cour de Strasbourg dans l'espoir de ne pas
être renvoyés vers des pays marqués par la violence. Deux types de critères sont
activés par la Cour aux fins d'évaluer le risque réel qui découlerait de l'adoption
d'une mesure d'éloignement du territoire. L'une concerne la situation personnelle des requérants ; l'autre la situation générale du respect des droits de
l'homme dans le pays concerné. La violation de l'article 3 sera avérée en cas
d'extradition vers l'Inde d'un séparatiste Sikh (CEDH, 15 novembre 1996, Chahal
c/ Royaume-Uni), d'un opposant Tchétchène vers la Russie (CEDH, 12 avril 2004,
Chamaïev et al. c/ Géorgie et Russie), d'opposants Kazakhs vers leur pays d'origine
(CEDH, 18 février 2010, Bayzakov et al. c/ Ukraine), d'un « mercenaire » israélien
(condamné au pénal) vers la Colombie (CEDH, 1er avril 2010, Klein c/ Russie), d'un
opposant politique Belarus vers son pays (CEDH, 1er septembre 2010, Y.P et L.P
c/ France), de migrants érythréens et somaliens vers la Libye (CEDH, Gde Ch.,
23 février 2012, Hirsi Jamaa et al. c/ Italie). Cette dernière affaire dévoile au grand
jour judiciaire le drame contemporain de nombre d'Africains qui fuient coûte que
coûte misère et détresse en s'engageant sur des bateaux de fortune pour rejoindre
les côtes européennes. La Cour a condamné l'Italie, non seulement pour avoir
2. Bien que le 23 juin 2016, les Britanniques décidèrent de quitter le Navire européen (même
si 55,8 % des Irlandais du Nord et 62 % des Écossais avaient voté pour le « remain »), les
négociations sur le Brexit n'en finissent pas de s'enliser au point qu'une très grande incertitude
politique et juridique demeure (au 6 mars 2019), sur la sortie effective ou non du Royaume-Uni
de l'Union européenne.

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