Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 53

Article 1 - Abolition de la peine de mort (Protocoles n° 6 et 13)

A. Hjartarson, S. Donnelly, « No Consensus on Consensus ? The practice of the
European Court of Human Rights », HRLJ, 2013, pp. 248-263.) Le curseur du
consensus démontre qu'il n'est pas simple à manier quand il s'agit de déterminer
l'ampleur de la marge. En tout état de cause - comme pour sortir de la difficulté
et en rappelant les hard cases du même ordre (Vo, Evans, A.B.C) - la Cour estima
dans un paragraphe qui prit l'allure d'une déclaration de principe que « dans ce
domaine qui touche à la fin de vie, comme dans celui qui touche au début de la vie,
il y a lieu d'accorder une marge d'appréciation aux États, non seulement quant
à la possibilité de permettre ou pas l'arrêt d'un traitement maintenant artificiellement la vie et à ses modalités de mise en œuvre, mais aussi quant à la façon
de ménager un équilibre entre la protection du droit à la vie du patient et celle
du droit au respect de sa vie privée et de son autonomie personnelle. » (§ 148).
Le cadrage effectué par la Grande chambre lui permit d'évaluer tous les
faits et les procédures médicales et judiciaires internes à l'aune des principes
et critères qu'elle avait présentés. Pour conclure au § 182 qu'« il n'y aurait pas
violation de l'article 2 de la Convention en cas de mise en œuvre de la décision
du Conseil d'État du 24 juin 2014 », elle s'en remit de façon récurrente, emplie
d'une déférence toute singulière, aux décisions (des 14 février et 24 juin 2014) de la
Haute juridiction administrative française. Il ressort de l'analyse de la Cour qu'elles
furent prises avec un sens aigu des responsabilités. Elle valorisa notamment la
seconde pour avoir ordonné une expertise médicale confiée à trois spécialistes
en neurosciences reconnus et pour avoir demandé à l'Académie nationale de
médecine, au Comité consultatif national d'éthique, au Conseil national de l'ordre
des médecins et à M. J. Leonetti de lui fournir en qualité d'amicus curiae des
observations générales de nature à l'éclairer... (§ 173, § 174). Ces précautions
furent hautement valorisées par la Grande chambre, à l'instar du poids donné
aux témoignages des proches de Vincent Lambert sur le sens de ses souhaits.
Autant d'éléments qui, à l'inverse, furent réfutés un à un par les juges dissidents
qui étaient en phase avec la ligne défendue par les requérants, au point même
d'affirmer que « la Cour aurait [.../...] dû donner plus d'importance à la valeur de la
vie » (point 7 de la dissidence). À la lecture de cette phrase, on ne peut s'empêcher
de penser que dans ce genre d'affaires, malgré les incroyables précautions prises
à l'échelle médicale et judiciaire, c'est toujours in fine les intimes convictions
du cœur qui l'emportent... En tout état de cause, l'épuisement processuel (pour
reprendre l'heureuse formule d'A. Rouyère) est encore d'actualité puisque les
parents de Vincent Lambert n'en finissent pas d'activer tous les ressorts procéduraux en France... (CE, 25 mars 2019, req. n° 427184, « L'affaire Lambert de
retour au Conseil d'État », AJDA 2019, 666).

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