Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 65

Article 3 - Interdiction de la torture

des femmes, tant en matière de reproduction (les féministes « culturelles ») qu'en
matière de violence exercée à leur égard (les féministes dites « radicales »). On
peut se poser la question de savoir si la jurisprudence conventionnelle laisse
de nos jours une ouverture aux lecteurs féministes des droits de l'homme qui
postulent grosso modo la prise en compte de la spécificité en dépassant la logique
« classique » de la non-discrimination. Sur ce terrain, les solutions de la Cour ne
sont pas marquées du sceau de la cohérence et sont clairement conditionnées
par la nature des violations alléguées par les femmes. Quand des tiers malmènent
leur corps, la Cour est intransigeante et adopte des solutions qui pourraient satisfaire les « féministes culturelles » voire « radicales ». En revanche, quand il s'agit
pour les femmes d'être en mesure de maîtriser leur corps, la Cour se fait plus
pusillanime désireuse de respecter l'état des mœurs propres à chaque société :
on connaît ses difficultés à appréhender la question de l'avortement (v. les comm.
sous les articles 2 et 8).
La Cour ne prend pas en compte la « spécificité féminine » dans le cadre
d'affaires qui dénotent une volonté de possession du corps de la femme par des
tiers. Le viol est évidemment l'hypothèse la plus emblématique de cette complexe
problématique. Depuis l'arrêt M.C. (CEDH, 4 décembre 2003, M.C. c/ Bulgarie), la
Cour de Strasbourg considère que le fait pour une mineure de 14 ans de n'opposer
aucune forme de résistance à un viol peut parfaitement s'expliquer par une variété
infinie d'éléments d'ordre psychologique. Partant, elle imposait à l'État défendeur l'obligation d'incriminer pénalement et de poursuivre de manière effective
tout type d'abus sexuel non consenti y compris quand ils portent au grand jour
l'absence de résistance. L'affaire Yihmaz s'inscrit dans ce courant jurisprudentiel
où la spécificité de la situation de très jeunes femmes est expressément prise
en compte par la Cour au moment d'évaluer l'existence ou non d'une violation
dans le cadre d'un examen gynécologique forcé (CEDH, 1er février 2011, Yasgül
Yihmaz c/ Turquie).
Autres violences physiques d'un autre âge, les mutilations génitales féminines (FGM) constituent une pratique combattue fermement par d'imposantes
organisations internationales qui se sont lancées dans une bataille pour arriver
à leur abolition intégrale. Elles font partie de la triste catégorie des « mutilations sexuelles » au sens large (qui inclue, en plus de l'excision au sens strict,
la clitoridectomie et l'infibulation) dont l'Organisation Mondiale de la Santé,
l'Unicef, le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés ou encore
le Fonds des Nations-Unies pour le développement des femmes ont considéré
qu'elle s'assimilait à un acte de torture (CEDH, déc., 17 mai 2011, Izevbekhal and
others c/ Irlande). L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe - sans aller
jusqu'à parler comme tel de torture - s'est inscrite dans ce processus qui a
pour objet d'affirmer la « prééminence, sur les coutumes et sur les traditions,
des principes universels du respect de la personne » ; partant, elle s'est fait un
point d'honneur à considérer que « les mutilations sexuelles doivent être considérées comme un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la
Convention européenne » (points 6 et 7 de la Résolution 1247 (2001) du 22 mai
2001 sur les mutilations sexuelles féminines). Dans ce contexte, la toute récente

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