Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 3e - 96

La Convention européenne des droits de l'homme

le contentieux électoral, révélateur de « droits politiques » différents des droits
« civils », est un contentieux de nature politique (droit d'élire et d'être élu) (CEDH,
déc., 21 octobre 1997, Pierre-Bloch c/ France ; CEDH, déc., 14 septembre 1999,
Louis Masson c/ France ; CEDH, déc., 26 janvier 1999, Jacques Cheminade c/ France).
Excepté ces poches matérielles d'immunité - difficilement acceptables au
regard tant de l'importance du droit d'accès à la justice pour la garantie des autres
droits que du libellé des autres instruments internationaux2 - la Cour a fait tomber
une somme importante de domaines sous son contrôle - les matières de droit
public (incluant les litiges relatifs à la fonction publique) ainsi que les contentieux
financier, disciplinaire et social - grâce au critère « patrimonial ». Qu'on en juge.
Tout fonctionnaire qui a un litige avec son administration de tutelle concernant
son droit à pension (CEDH, 26 novembre 1992, Lombardo c/ Italie ; CEDH, 18 juillet
2000, S.M c/ France) ou qui réclame une aide sociale (CEDH, 26 février 1993, Salesi
c/ Italie) peut invoquer l'article 6 § 1. De même, le contentieux pénitentiaire a fini
par tomber sous le coup de l'article 6 § 1 en ce que toute décision frappant un
détenu a des répercussions sur l'exercice de ses droits civils (CEDH, 6 avril 2010,
Stegaescu et Bahrin c/ Portugal). Dans ce contexte, le contentieux de la fonction
publique a fini également par être contrôlé par la Cour au prix d'une jurisprudence
sinueuse et pointilliste. Sinueuse, car les revirements de jurisprudence ont été
nombreux en peu de temps, ce qui malmena la sécurité juridique en emportant
des incertitudes jurisprudentielles au niveau des juridictions internes. L'arrêt de
Grande Chambre Pellegrin c/ France du 8 décembre 1999 était un revirement de
jurisprudence important qui avait opté pour un critère dit « fonctionnel » afin de
déterminer l'applicabilité de l'article 6 § 1 au contentieux de la fonction publique
(nature des fonctions et des responsabilités exercées par l'agent public). La Cour
s'était arrimée sur les standards posés par la Commission européenne - aux fins
de déterminer les catégories de personnes exclues du droit de libre circulation -
pour les transposer dans l'univers conventionnel. Or, dans l'affaire Vilho, la Cour
considéra qu'il était nécessaire une fois de plus de modifier sa jurisprudence ; le
critère fonctionnel avait déçu et n'avait rien simplifié (CEDH, 19 avril 2007, Vilho
Eskelinen et al c/ Finlande)3. Afin de légitimer un nouveau « changement de cap »,
la Cour utilisa à nouveau le droit issu de l'Union européenne, et plus précisément
l'important article 47 de la CDFUE qui ne limite pas matériellement le droit au
juge. Pointilliste, la jurisprudence l'a été et continue de l'être car l'arrêt Vilho
Eskelinen - qui reflète l'état actuel de la jurisprudence strasbourgeoise - n'est pas
forcément plus facile à mettre en œuvre. Le principe est l'applicabilité de l'article 6
§ 1 à tout litige de la fonction publique, la Cour considérant que l'accès au juge
dans le droit interne au bénéfice d'un fonctionnaire entraîne automatiquement
2. Même si on verra infra que l'amplitude du domaine pénal permet de pallier en partie l'immunité
juridictionnelle du champ civil.
3. Le § 55 est éloquent à cet égard : « Force est de conclure que le critère fonctionnel, tel qu'appliqué
en pratique, n'a pas simplifié l'examen de la question de l'applicabilité de l'article 6 aux procédures
auxquelles un fonctionnaire est partie, et que, contrairement aux attentes, il n'a pas apporté en la
matière plus de certitude (voir, mutatis mutandis, Perez c/ France [GC], no 47287/99, § 55, CEDH
2004-I). »

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