Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re - 24

Les comptes publics : objets et limites

1. Des états au budget
Le Trésor de la langue française rapporte que, dans l'ancien français, la
bougette (d'autres sources évoquent aussi la bouge) désignait un petit sac
de cuir utilisé comme bourse. Le terme passe en Angleterre pour y acquérir
une signification plus conceptuelle au début du XVIIIe siècle. Il désignait alors
la proposition de recettes et de dépenses faite au Parlement pour l'année à
venir par le chancelier de l'Échiquier. Michel Bottin1 signale que « to open a
budget signifie de façon familière et imagée ouvrir le sac des solutions financières. Le terme, fort peu juridique à l'origine, a été particulièrement utilisé
à des fins de critique politique : un pamphlet de 1733, The Budget opened,
présente ainsi le Premier ministre Robert Walpole comme une sorte de
charlatan vantant au Parlement ses remèdes miracles ». Couramment utilisé en Angleterre à partir du milieu du XVIIIe siècle, le terme apparaît en droit
français, sous le Consulat, à l'article 3 de la loi du 21 floréal an X, puis sous
l'Empire dans la loi relative au budget de l'État du 21 avril 1806. Suivant les
conquêtes napoléoniennes le terme est repris à l'article 227 de la Constitution de Cadix de 1812. L'acte additionnel aux Constitutions de l'Empire du
22 avril 1815 définit enfin le budget général de l'État comme l'acte « contenant l'aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l'année
à chaque département du ministère ». Depuis lors, le budget revêt une
double signification : c'est un acte de prévision et d'autorisation. Les textes
ultérieurs à l'image de l'ordonnance du 31 mai 1838 le confirment : « Les
recettes et les dépenses publiques à effectuer pour le service de chaque
exercice sont autorisées par les lois annuelles de finances et forment le
budget général de l'État ».
Formellement, le terme « budget » apparut donc en Angleterre au milieu
du XVIIIe siècle et en France au tournant du XIXe siècle. Pour autant, le concept
de budget est bien antérieur. Les grands pays européens disposaient d'états
(hauptetats en allemand, estimates en anglais, états en français) dès le
e
e
XVI siècle. Ces états constituaient au XVII siècle de véritables budgets de
l'Ancien Régime contrairement à l'affirmation de Marcel Marion2, très
reprise dans la doctrine, selon laquelle la monarchie française d'avant
1789 n'aurait connu ni budget, ni bilan de ses recettes et de ses dépenses.
Les auteurs de la IIIe République, qui sont à l'origine de cette position, proposaient une analyse institutionnelle de la situation financière. Le budget ne
se concevait pas sans l'intervention d'un Parlement ! Or, en France, il n'existait pas de Parlement, au sens politique, sous l'Ancien Régime. Si l'on
dépasse cette analyse institutionnelle pour adopter une analyse matérielle
de l'acte, la rupture de la Révolution paraît moins évidente. Les états du roi
étaient des documents financiers contenant une prévision des recettes et
1. Michel BOTTIN, « Budget », Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003.
2. Marcel Marion (1857-1940) : historien progressivement devenu spécialiste d'histoire économique et financière. Il est célèbre pour son Histoire financière de la France depuis 1715,
somme en 6 volumes publiés entre 1914 et 1931.

Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re