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Les comptes publics : objets et limites

« Le gouvernement dirige les recettes et les dépenses de l'État, conformément à la loi annuelle qui détermine le montant des unes et des autres ».
Enfin matérialisé au sein d'un unique texte, le pouvoir budgétaire était pourtant partagé entre l'exécutif et le législatif, le premier préparant l'état financier, le second sanctionnant son caractère obligatoire en la forme légale.

2. Consentir l'impôt et déterminer les dépenses
L'absence de réunion des états généraux depuis l'hiver 1614-1615 est
une traduction de l'absolutisme de la monarchie française des XVIIe et
e
XVIII siècles. Alors qu'en Angleterre, le pouvoir de lever de nouveaux impôts
dépend de l'acceptation du Parlement, en France, les monarques décident
de l'évolution et de la pérennisation des recettes sans aucune délibération
d'une représentation politique. Le seul parlement de Paris est capable, par
son droit de remontrance, d'exprimer une forme d'opposition de nature politique aux ordonnances et édits royaux, y compris en matière fiscale. Les
tentatives de réforme fiscale des ministres de Louis XVI s'y heurtèrent au
conservatisme de la noblesse qui conduisit le roi à convoquer une réunion
des états généraux, dont on connaît les conséquences, au printemps 1789.
Les cahiers de doléances portés par les représentants des trois ordres
témoignent d'un intérêt pour un retour au principe du consentement de
l'impôt, c'est-à-dire pour une formalisation de l'autorisation de lever les
contributions par des représentants de la nation. À ce titre, le premier
décret du 17 juin 1789 (on dirait aujourd'hui une loi) des états généraux autoproclamés Assemblée nationale « déclare, à l'unanimité des suffrages,
consentir provisoirement pour la nation, que les impôts et contributions,
quoi que illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la
même manière qu'ils l'ont été précédemment ». La monarchie admet alors
que le domaine financier relève des états généraux. La déclaration des
intentions du roi, prononcée lors de la séance du 23 juin 1789, démontre la
conscience que le souverain a de la situation, le lien est opéré entre le vote
de l'impôt et son corollaire évident en matière de dépense, comme en
témoigne l'apparition, dès le mois d'octobre 1789, de la liste civile au sein
des budgets6. Si les recettes relèvent de la loi, l'attribution des sommes correspondantes aux départements ministériels et aux dépenses de la monarchie, c'est-à-dire les dépenses, en relève aussi. La Constitution du 3 septembre 1791 vient logiquement établir que « les contributions publiques
seront délibérées et fixées chaque année par le corps législatif » (art. 1er du
titre V) et que « les ministres sont tenus de présenter chaque année au
Corps législatif l'aperçu des dépenses à faire dans leur département et de
rendre compte de l'emploi des sommes qui y étaient destinées » (art. 7, section IV, chapitre II, titre III). Dès lors, non seulement une loi sur les finances
contient les volets dépenses et recettes du budget de l'État, mais le
domaine financier relève pratiquement de la loi et plus précisément de
cette loi.
6. Damien SALLES, La liste civile en France, Mare et Martin, 2011, 765 p.

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