Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re - 37

Construction historique et finalités de la comptabilité budgétaire

techniques d'information financière selon qu'elles décrivent des flux ou des
droits. Il oppose des comptabilités dites « de caisse » aux comptabilités en
droits constatés. La technique de la caisse s'intéresse essentiellement aux
flux : des encaissements et des décaissements. Elle peut aussi inscrire des
mouvements de stock : des entrées et des sorties de stock. Bien que le
terme ne désigne pas tout à fait la même chose, la comptabilité administrative est bien à l'origine une comptabilité de caisse en ce sens qu'elle autorise le payeur à décaisser ou à encaisser des deniers qui deviennent des
deniers publics.
Une fois cette comptabilité établie, une question qui peut sembler saugrenue pointe. Que désigne le montant inscrit au titre d'un crédit budgétaire ? Si la dépense apparaît comme une évidence, elle a néanmoins suscité une controverse extrêmement violente en 1822, à l'occasion de la
rénovation de l'ordre financier par Villèle (ministre des Finances) et Audiffret
(directeur des écritures de la comptabilité générale). Les rénovateurs du
système financier voulaient enrichir le concept de dépense et le débat se
cristallisa sur la signification du terme. Victor Alexandre Masson, qui faisait
partie des réformateurs du ministère des Finances, en proposa une signification élargie. Il s'agissait de dépasser le décaissement (« le paiement »)
pour aborder la dépense plus finement au moment du service fait (qui
« endette ») et même lors de l'engagement (qui « préside à l'accomplissement d'un service »)14.
Un autre administrateur du ministère des Finances, clairement conservateur, lui répondit. Le verbe fut virulent et nous semble aujourd'hui complètement incohérent. Comme si cet homme parvenait à conceptualiser
l'engagement, mais décidait tout simplement qu'il fallait le refuser sans
autre argument que l'autorité du passé : « Un particulier engage à son service six domestiques sur le pied de 300 fr. chacun, et il convient de ne leur
payer leurs gages qu'à la fin de l'année. Quoi ! Parce qu'au commencement
de l'année il contracte vis-à-vis d'eux une dette totale de 1 800 fr. il faudra
suivant vous, que nous disions qu'à ce moment il a dépensé 1 800 fr. ! Ce
n'est qu'à la fin de l'année, au moment où il aura payé ces 1 800 fr. qu'il
les aura en effet dépensés. »15
Ces débats firent avancer la formalisation de la procédure de dépense
que l'on détailla, successivement en deux, trois puis quatre phases. En
1817, ce sont le paiement et la promesse de paiement qui sont distingués.
En 1822, on différencie le paiement, l'ordonnancement et la liquidation. Mais
au-delà de la liquidation, l'ordonnance du 14 septembre vise le service fait
qui renvoie au droit constaté sans qu'il soit possible de l'établir empiriquement. L'article 135 de l'ordonnance du 31 mai 1838 précise que le compte
14. Anonyme (attribué à MASSON), De la comptabilité des dépenses publiques, Imprimerie de
L.-T. Cellot, 1822, p. 46 à 48.
15. DELAFONTAINE, Lettres à l'auteur de l'écrit anonyme intitulé : De la comptabilité des dépenses
publiques, Delaunay, Ponthieu et Pélissier, 1822, p. 39-40.

Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Les comptes publics : objets et limites - 1re