Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 152 - La responsabilité de l'État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution - 174

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LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU FAIT DES LOIS 
DÉCLARÉES CONTRAIRES À LA CONSTITUTION

consacrée à l'irresponsabilité de la puissance publique, le Professeur Ch. Guettier61 intègre la responsabilité de l'État du fait des lois dans la responsabilité de la
puissance et donc dans le champ de compétences du juge administratif.
310. Sans justifier62 la compétence exclusive du juge administratif pour engager la responsabilité de l'État du fait des lois, les auteurs de la doctrine en reviennent
à l'arrêt Blanco63, en intégrant la responsabilité du fait des lois dans le champ de la
responsabilité de la puissance publique. Le commissaire du gouvernement
L. Derepas fonde entièrement la compétence du juge administratif pour connaître
de la responsabilité de l'État du fait des lois méconnaissant les engagements internationaux de la France64 sur le contentieux administratif classique. À première vue,
intégrer la responsabilité de l'État du fait des lois à la responsabilité de la puissance
publique peut surprendre. Cette dernière constitue principalement une responsabilité administrative, du fait des services publics de l'État65. Pour autant, en cas de
préjudice consécutif à l'application d'une loi, il s'agit également de déclarer pécuniairement la responsabilité de l'État en tant que personne morale. Comme le précise la Professeur C. Broyelle « n'est-il pas en effet tout à fait singulier que personne
ne parle jamais de "responsabilité du législateur", comme on peut parler de responsabilité de l'administration ? »66 La présence de l'État donnerait une accroche administrative à un régime de responsabilité qui trouve son origine dans un dommage causé
par la loi. Surtout, la loi constitue au premier chef des actes de puissance publique
de l'État en tant que puissance normative dérivée67.
311. Dans un arrêt du 31  mars 2008, Boiron68, le Tribunal des conflits a
affirmé que lorsque le requérant choisit de se référer au « régime de la responsabilité
loi inconstitutionnelle », DESAULNAY O., « La responsabilité de l'État du fait d'une loi
inconstitutionnelle ou l'inévitable « pas de deux » du juge administratif et du Conseil constitutionnel »,
in Long cours, Mélanges en l'honneur de Pierre Bon, Dalloz, 2014, p. 796.
61. GUETTIER Ch., « Irresponsabilité de la puissance publique (régimes législatifs,
réglementaires et jurisprudentiels) », Répertoire de la puissance publique, Dalloz, 2012, mise à jour en
2014. Également, la Professeure A. Jacquemet-Gauché intègre l'étude de la responsabilité de l'État du
fait des lois déclarées contraires à la Constitution, à la responsabilité de la puissance publique, voir
JACQUEMET-GAUCHÉ A., La responsabilité de la puissance publique en France et en Allemagne.
Étude de droit comparé, LGDJ, Bibl. dr. pub., Tome 275, 2013, 594 p. ; BELRHALI H., Responsabilité
administrative, LGDJ, coll. « Manuel », 2017, 411 p.
62. Pour les auteurs qui ont écrit postérieurement à la jurisprudence Boiron, l'affirmation de la
compétence du juge administratif est justifiée exclusivement par cet arrêt, voir par exemple, DISANT
M., « La responsabilité de l'État du fait de la loi inconstitutionnelle, prolégomènes et perspectives »,
RFD adm., 2011, p. 1181 ; BLANDIN A., Thèse op. cit., p. 232.
63. T. confl., 8 fév. 1873, Blanco, Lebon, 1er supplément p. 61, concl. David.
64. DEREPAS L., « La responsabilité du fait des lois en cas de méconnaissance des engagements
internationaux », concl. sur CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardedieu, RFD adm., 2007, p. 361.
65. L'arrêt Blanco, considéré comme l'arrêt fondateur de l'autonomie de la responsabilité de la
puissance publique, précisait que « que la responsabilité, qui peut incomber à l'État pour les dommages
causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public [...] », l'auteur
souligne. Le Professeur Chapus considérait, pour sa part, que « le service public au sens de l'arrêt, c'est
l'État puissance publique », CHAPUS R., Droit administratif général, op. cit., t. 1, pp. 2-4.
66. BROYELLE C., Thèse op. cit., p. 65.
67. Dans ses conclusions sur l'affaire des tabacs, la commissaire du gouvernement M. Laroque
précisait que si la loi « n'est plus aujourd'hui incontestable, elle reste, même sous l'empire de la Constitution
actuelle la manifestation la plus élevée de la puissance publique », LAROQUE M., concl. sur CE, Ass.,
28 févr. 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France et sur CE, Ass., 28 févr.
1992, Société Arizona Tobacco Products et SA Philip Morris France, AJDA, 1992, p. 210.
68. T. confl. 31 mars 2008, Société Boiron c/ Direction générale des douanes et des droits indirects,
n° 3631.
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