Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 152 - La responsabilité de l'État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution - 198

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LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU FAIT DES LOIS 
DÉCLARÉES CONTRAIRES À LA CONSTITUTION

Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relatif à l'investissement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés208. À la suite de cette décision, neuf requérants ont introduit devant
le Premier ministre une demande indemnitaire fondée sur les préjudices subis par
l'application de la disposition législative inconstitutionnelle. Le silence du Premier
ministre ayant conduit au refus des demandes, les justiciables ont saisi le tribunal
administratif de Paris afin de condamner l'État à indemniser leurs préjudices.
365. Dans un considérant de principe, le tribunal juge que « la responsabilité
de l'État du fait des lois est susceptible d'être engagée devant le juge administratif
pour réparer les préjudices qui résultent de l'application d'une disposition législative
déclarée contraire à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel statuant dans le cadre de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution »209.
Pour la première fois, une juridiction administrative a reconnu le principe même
de la responsabilité de l'État du fait de l'application d'une loi inconstitutionnelle.
Cette jurisprudence novatrice permet ainsi de revenir sur la défaillance du système juridictionnel préalablement constatée. Par là même, les jugements du tribunal administratif mettent en exergue l'imputabilité de la défaillance du système
juridictionnel à la jurisprudence antérieure. Rien n'imposait une quelconque
« habilitation expresse »210. Dans la longue tradition de la construction prétorienne du droit administratif de la responsabilité, les juges ont dégagé un nouveau
régime de responsabilité sans intervention du législateur. Par exemple, dans ses
conclusions sur l'affaire des tabacs, la commissaire du gouvernement M. Laroque
précisait que si le Conseil d'État souhaitait créer un nouveau régime de responsabilité cela relève de sa fonction211.
366. La circonstance que les requérants n'aient pu obtenir réparation en l'espèce est sans incidence sur la reconnaissance du principe du nouveau régime de
responsabilité. Comme l'écrit Ch.-É. Sénac, « il importe d'écarter du concept d'irresponsabilité de la puissance publique les hypothèses dans lesquelles la négation du
droit à obtenir réparation tient aux caractéristiques du préjudice, à l'absence de causalité ou d'imputabilité »212. Or, le tribunal rejette le recours tendant à condamner
l'État au motif que le lien de causalité entre l'inconstitutionnalité - c'est-à-dire le
fait dommageable - et les préjudices allégués n'était pas établi. Effectivement, le
Conseil constitutionnel, pour déclarer la loi contraire à la Constitution, s'est fondé
sur la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence. De ce motif
d'inconstitutionnalité, les juridictions du fond dégagent « qu'aucune disposition, ni
208. Cette disposition législative était codifiée au premier alinéa de l'article L. 442-9 du Code du
travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.
209. TA Paris, jugement du 7 fév.  2017, M.  Lallement et Société Paris Clichy,
nos 1507726 et 1505725, concl. F. Doré.
210. Dans ses conclusions, le rapporteur public F. Doré précisait qu'aucune habilitation expresse
n'est nécessaire, DORÉ F., « Responsabilité de l'État du fait d'une loi inconstitutionnelle. Application
à la loi sur la participation des salariés aux résultats des entreprises publiques », concl. sur TA Paris,
jugement du 7 fév. 2017, M. Lallement et Société Paris Clichy, nos 1507726 et 1505725, AJDA, 2017,
p. 698.
211. LAROQUE M., concl. sur CE, Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France et
SA Philip Morris France et sur CE, Ass., 28 févr. 1992, Société Arizona Tobacco Products et SA Philip
Morris France, AJDA, 1992, p. 210.
212. SÉNAC Ch.-É., « Le concept d'irresponsabilité de la puissance publique », RFD  adm.,
2011, p. 1198.

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