Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 152 - La responsabilité de l'État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution - 437

LA FAUTE DU LÉGISLATEUR, CONDITION D'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ

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les conditions d'engagement de la responsabilité ne sont pas directement déduites
du principe de responsabilité posé par la Cour de justice. Cette façon de procéder
est logique au regard de la diversité des ordres internes des États membres de
l'Union européenne65.
893. La comparaison avec la responsabilité de l'État du fait des décisions de
justice, prises en dernier ressort, permet également d'apprécier le lien entre les
conditions d'engagement de la responsabilité et le fondement juridique. Effectivement, le juge européen a imposé aux États membres de prévoir un mécanisme
indemnitaire en cas de décision d'une juridiction nationale violant de manière
suffisamment caractérisée le droit de l'Union66. Toutefois, à la différence de la
jurisprudence Gardedieu, dans l'arrêt Gestas67, le Conseil d'État a fait le choix de
reprendre la terminologie de la Cour de justice et en particulier la nécessité d'une
« violation manifeste du droit communautaire ». Ainsi, à propos de ce régime il est
acquis que le fondement juridique de la responsabilité de l'État du fait du service
public de la justice est directement issu des arrêts de la Cour de justice68. Effectivement, pour le Conseil d'État c'est seulement « dans le cas où le contenu de la
du recours en justice (question des délais de prescription, question de l'autonomie de l'action en
responsabilité...) et les modalités de la réparation », BLANDIN A., Thèse op. cit., p. 257 ; dans le
même sens, voir CLAMOUR G., chron. sous CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardedieu, D., 2007, p. 1214. Pour
l'auteur, « puisque les préjudices seront désormais réparés et que le droit communautaire n'exige
nullement la réparation sur le terrain de la faute, aucune raison ne justifie que la Haute juridiction
administrative traite spécifiquement les lois méconnaissant le droit communautaire ».
65. Dans l'arrêt Brasserie du Pêcheur, la Cour rappelait que « la notion de faute n'a pas le même
contenu dans les différents systèmes juridiques », CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur
SA c/ Bundesrepublik Deutschland et The Queen c/ Secretary of state for Transport, Aff. jointes,
C-46/93 et C-48/93. Pour le Professeur D. Simon, « La reconnaissance de l'existence d'un droit à
indemnisation comme conséquence de la primauté du droit communautaire n'épuise pas - tant s'en faut
- l'apport des décisions du juge communautaire et des juridictions administratives françaises à l'évolution
du droit de la responsabilité de la puissance publique. En effet, le fondement communautaire de l'existence
de ce droit n'implique pas la "communautarisation" des modalités de son exercice. Au contraire, l'absence
de dispositions de droit communautaire originaire ou dérivé régissant les voies et moyens de l'action en
responsabilité en cas de violation par un État membre de ses obligations communautaires imposait
nécessairement au juge communautaire de laisser jouer ce qu'on est convenu d'appeler l'autonomie
institutionnelle et procédurale des droits nationaux dans la définition des conditions de mise en œuvre des
voies de droit permettant d'obtenir réparation. En d'autres termes, si le principe d'une action
juridictionnelle en indemnité découle des exigences du droit communautaire, ce sont les règles procédurales
de droit interne qui trouveront à s'appliquer », SIMON D., « Droit communautaire et responsabilité de
la puissance publique (glissements progressifs ou révolution tranquille ?) », AJDA, 1993, p. 235. Le
Professeur D. Simon appréhendait donc la jurisprudence de la Cour de justice comme le fondement
juridique à l'origine des régimes nationaux. Toutefois, si les règles procédurales trouvent à s'appliquer
la Cour de justice a tout de même posé des conditions minimales d'engagement de la responsabilité de
l'État-législateur. Le juge administratif ne disposait pas d'une liberté totale.
66. CJCE, 30 sept. 2003, Köbler c/ Republik Österreich, Aff. C-224/01 : « le principe selon lequel
les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit
communautaire qui leur sont imputables est également applicable lorsque la violation en cause découle
d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort, dès lors que la règle de droit communautaire
violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée
et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées.
Afin de déterminer si la violation est suffisamment caractérisée lorsque la violation en cause découle
d'une telle décision, le juge national compétent doit, en tenant compte de la spécificité de la fonction
juridictionnelle, rechercher si cette violation présente un caractère manifeste ». Cette jurisprudence a par
la suite été confirmée par un arrêt CJUE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo, Aff. C-173/03.
67. CE, Sect. 18 juin 2008, Gestas, n° 295831, Lebon, p. 230, concl. C. de Salins
68. Une comparaison avec l'arrêt Magiera est possible dans la mesure où le Conseil d'État a jugé
que la faute simple pouvait engager la responsabilité de l'État du fait du service public de la justice en

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