Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re - 118

Le patrimoine culturel immatériel

l'équitation de tradition française à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2011 est au demeurant caractérisé
par « la légèreté » au cœur du rapport harmonieux entre cavalier
et monture40. D'une part, la capacité de l'écuyer à obtenir la coopération du cheval repose sur des sensations, des perceptions qu'il
doit avoir éprouvées pour acquérir la capacité à en reproduire les
conditions. D'autre part, la fluidité des mouvements et la flexibilité
des articulations assurent que le cheval participe volontairement
aux exercices. Encore faut-il démontrer l'existence d'une tradition
toujours en vigueur, sa viabilité et l'existence d'une communauté.
Sur ce dernier point, il ne fait aucun doute que la communauté la
plus connue est le Cadre noir de Saumur, basé à l'École nationale
d'équitation et dont l'académie d'équitation serait antérieure à celle
de Paris41. Les écuyers sont en somme, la garantie de la pérennité
du maintien de la tradition par leurs présentations. L'équitation de
tradition française a pu être transmise sans rupture depuis les premières proto-académies au XVe siècle puis les académies dès la première moitié du XVIe siècle, mais elles ne connurent un véritable succès qu'avec la création de celle d'Antoine de Pluvinel, écuyer
d'Henri IV, en 1594. Une relation métonymique s'établit alors entre
l'équitation et l'art de diriger. Ces académies ont comme fonctions
l'apprentissage, la formation et l'éducation de la noblesse. Il importe
de valoriser la transmission d'une attitude corporelle, image d'un
statut social. La posture de l'écuyer traduit dans les usages de la
Cour sa capacité d'action, à laquelle est associée celle de la maîtrise
des arts qui font de lui un cavalier gentilhomme42. En adoptant les
codes de la Renaissance italienne, les académies répondent à une
volonté nobiliaire correspondant à la nécessité d'une institution
réservée à une minorité par privilège de classe43. Vecteur de distanciation sociale, l'équitation de tradition française qui s'est poursuivie
à travers les armées et les manèges civils est restée habitée par cet
élitisme, voire par sa relative absence de mixité sociale. Ces racines
de l'équitation de tradition française forment le socle d'une tradition
qui se transmet au sens de la convention Unesco 2003, sans jamais
40. GRENET S., « L'inscription de l'équitation de tradition française à l'Unesco », In Situ 18/2012,
Le cheval et ses patrimoines, paragraphe 15.
41. V. DOUCET C., Les académies d'art équestre dans la France d'Ancien Régime, Edilivre, 2007,
p. 37-64.
42. V. CARABIN D., « Deux institutions de gentilshommes sous Louis XIII : Le Gentilhomme
de Pasquier et L'Instruction du Roy de Pluvinel », Dix-septième siècle 2003/1, p. 27.
43. V. l'ouvrage remarquable de ROCHE D., La culture équestre occidentale. XVIe-XIXe siècle. L'ombre du cheval, t. 1, Le cheval moteur, Fayard, 2008 ; t. 2, La gloire et la puissance : histoire de
culture équestre. XVIe-XIXe siècle, Fayard, 2011.

118
Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re
