Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re - 67

Les institutions en charge de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

et collective. Au niveau national, les labels caractérisent des mesures de police administrative spéciale que l'État adopte afin de définir
et d'orienter une politique publique. S'agissant d'une police spéciale,
l'État se borne à encadrer les activités sociales. Traitant notamment
de la police du cinéma, Jacques Petit définit les fonctions d'une
police spéciale, transposable au patrimoine culturel : « Ces polices
spéciales correspondent à la mise en place d'un État interventionniste, qui ne se donne plus pour seul objectif de protéger l'ordre
que produit naturellement le jeu de la liberté mais de construire un
ordre plus solidaire, contribuant notamment à la réalisation des
droits-créances45... ». Pour cet auteur, cette prolifération de polices
spéciales remet en cause l'inspiration initialement libérale de la
police administrative. Il s'agit en somme de définir les contours
d'un patrimoine vivant non pas tant selon un ordre de protection
mais également selon un ordre de direction. L'État ne labellise que
des pratiques culturelles compatibles avec l'éthique d'une société et
dans le respect de la dignité humaine46. Les contours d'un ordre
public culturel47 se dessinent ainsi en creux à la faveur de certaines
expressions culturelles et au rejet de pratiques contraires aux
« valeurs essentielles d'une société » pour reprendre une terminologie employée par le Conseil d'État48. Si l'on s'accorde avec Paolo
Napoli pour affirmer que la police administrative est « une technique
de gouvernement49 », l'ordre public culturel révèle alors la dualité de
la fonction de police, celle d'un ordre de contrainte et celle d'un
ordre de prestations en faveur de la protection d'identités culturelles. La labellisation du patrimoine culturel immatériel favorise ainsi
un ensemble de prestations publiques50 au profit de communautés
soucieuses de sauvegarder des pratiques ancestrales.

45. PETIT J., « La police administrative », in GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P. (dir.), Traité de droit
administratif, t. 2, Dalloz, 2011, p. 16.
46. V. JULIEN-LAFERRIÈRE F., « La protection du patrimoine immatériel à l'épreuve de l'éthique »,
in Droit et patrimoine culturel immatériel, op. cit., p. 163.
47. V. DELVOLVÉ P., « L'ordre public immatériel », RFDA 2015, p. 890 ; HUBAC S., « L'ordre public
culturel », Archives de philosophie du droit, t. 58, « L'ordre public », Dalloz, 2015, p. 71-83.
48. CE, 27 nov. 2013, nº 365587, Aberkane, Lebon, p. 304 ; AJDA 2013. 2405.
49. NAPOLI P., Naissance de la police moderne, La Découverte, 2003.
50. Nous empruntons l'analyse de Noé Wagener déployée dans sa thèse au regard du patrimoine culturel matériel : Les prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine
culturel, thèse précitée.

67
Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re
