Mélanges - Mélanges en l'honneur du doyen Didier Guével - 410

Jean-JacqUes menUret
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la même solution s'impose aussi en matière de lutte contre la corruption, ainsi
qu'il ressort de la décision précitée de la commission des sanctions de l'aFa67
.
en outre, même en dehors de toute prescription légale, un acteur peut se fixer
des buts d'intérêt général, transversaux ou monumentaux, qu'il entend poursuivre
seul ou en s'engageant contractuellement avec autrui. dans un tel cas, où
l'engagement juridique affiché (dont rendent compte chartes éthiques, codes de
bonnes pratiques, programmes de prévoyance, etc.) est d'abord unilatéral, un
acteur expose sans doute sa responsabilité aux tiers, qui pourront lui reprocher de
ne pas avoir respecté ses propres obligations68
.
ainsi, un acteur risque d'être mis en cause pénalement pour pratique commerciale
trompeuse, en cas de mensonge ou de signe de qualité qui n'existe pas,
voire de tromperie, ou encore civilement d'encourir le reproche de négligence
pour avoir méconnu les objectifs qu'il s'était lui-même fixés (la société total en a
fait l'expérience dans l'affaire du naufrage de l'erika, jugée par la cour de cassation
le 25 septembre 2012)69
.
plus encore, sur le terrain civil, un acteur pourrait sans doute se voir reprocher
de ne pas avoir effectué une cartographie suffisante ou complète des risques liés à
son activité. c'est actuellement l'objet du procès climatique fait à la société total
devant le juge judiciaire à propos de son action en ouganda, à laquelle plusieurs
ong, donc des tiers, reprochent l'insuffisance de son plan de vigilance, élaboré
sur le fondement de la loi du 27 mars 2017. toutefois, cette première affaire du
genre a donné lieu le 10 décembre 2020 à une décision décevante de la cour
d'appel de versailles, à l'occasion de laquelle le fond n'a toujours pas été tranché70
.
mais elle n'est pas encore arrivée à son terme.
Bien évidemment, les personnes publiques pourraient s'exposer à de mêmes
risques et donc à de mêmes contrôles, de la part du régulateur ou du juge.
67. À l'égard des personnes publiques, la loi sapin ii n'a pas initialement prévu de
référentiel de contrôle de l'aFa. son article 3 dispose ainsi : « l'agence française
anticorruption : [...] 3° contrôle, de sa propre initiative, la qualité et l'efficacité des procédures
mises en œuvre au sein des administrations de l'état, des collectivités territoriales, de leurs
établissements publics et sociétés d'économie mixte, et des associations et fondations reconnues
d'utilité publique pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de
concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. elle
contrôle également le respect des mesures mentionnées au ii de l'article 17 ». toutefois, l'aFa
a ensuite fait preuve de pragmatisme et calqué le référentiel prévu pour les entreprises sur les
personnes publiques. l'agence a ainsi indiqué à cet égard, le 22 décembre 2017, au sujet du
« périmètre » de ses recommandations : « ces recommandations sont destinées à l'ensemble
des personnes morales de droit privé ou de droit public, quels que soient leur taille, leur forme
sociale, leur secteur d'activité, leur chiffre d'affaires ou l'importance de leurs effectifs ».
68. v. not. m. mekki, « l'intelligence contractuelle et numérique au service de la
responsabilité sociétale des entreprises », AJ contrat 2020, p. 112.
69. cass. crim., 25 sept. 2012, n° 10-82938. v. aussi rebeyrol, « la compliance : le rôle
de la charte éthique », art. précit., p. 126.
70. ca versailles, 10 déc. 2020, n° 20/01692. par cette décision, la cour a confirmé
l'ordonnance du 30 janvier 2020 par laquelle le tribunal judiciaire de nanterre s'était déclaré
incompétent pour juger le litige, estimant qu'il relevait du tribunal de commerce.
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