Bibliothèque de droit privé - Tome 594 - Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations - 196

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RECHERCHE SUR LA QUALIFICATION EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

contractuelle »173. Les juges de Luxembourg s'attachent donc à rechercher l'engagement d'une partie à l'égard d'une autre et ne semblent pas faire de l'acceptation
un élément caractéristique de la matière contractuelle. N'oublions pas que la
Cour de justice rappelle régulièrement que l'application de l'article 7.1 a. du règlement Bruxelles  I  bis n'exige pas la conclusion du contrat.  Comme le souligne
Mme Rémy-Corlay, « l'absence de contrat conclu entre le débiteur et le créancier
importe peu pour la qualification de matière contractuelle. La "matière contractuelle" dépasse le contrat ; un "engagement librement assumé" peut naître d'un
engagement unilatéral, d'un acte autonome. En l'espèce, en donnant son aval - quand
bien même celui-ci n'a pas de source contractuelle - l'avaliseur a pris l'engagement
vis-à-vis du créancier de payer la dette du souscripteur du billet à ordre en cas de
défaillance de ce dernier »174.
A minima, la matière contractuelle recouvre donc un engagement entendu
comme une déclaration unilatérale de volonté, par laquelle une personne s'engage
envers une autre à faire, à ne pas faire, à donner, à transférer ou à éteindre un droit,
ou bien encore à transférer un droit réel dont elle est titulaire à l'égard d'autrui175.
L'élément caractéristique porte donc sur l'engagement. Seul le « lien de droit tendu
entre l'émetteur et le destinataire » est pris en considération, sans que le critère de
l'acceptation semble devoir être exigé176. Cette analyse pourra étonner le civiliste.
D'une part, dans la tradition juridique française, le contrat se forme par la rencontre d'une offre et d'une acceptation. Le nouveau droit des contrats aurait pu se
laisser influencer par la théorie de la punctation, selon laquelle le contrat se forme
par un processus progressif beaucoup plus que par la rencontre d'une offre et
d'une acceptation177. Il n'en est rien. Le nouvel article 1131 du Code civil confirme
que « le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ». Un chapitre entier, subdivisé en quatre sections, est d'ailleurs consacré à la formation du contrat, alors que
celle-ci ne figurait pas originellement dans le Code civil. D'autre part, toujours en
droit interne, le critère de l'acceptation prend de l'importance, puisque la théorie
de la réception de l'acceptation est consacrée. L'article 1121 du Code civil énonce,
en effet, que « le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est
réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue ». On pourrait être surpris que le
critère de l'acceptation du créancier soit négligé par la Cour de justice. Toutefois,
ces éléments sont propres au droit interne. En retenant la théorie de l'acceptation
de l'offre, le législateur dégage le régime juridique de la formation du contrat qui
lui semble le plus approprié au regard des attentes de l'ordre juridique national.
Cette préoccupation est extérieure au droit international qui se satisfait de catégories suffisamment souples et descriptives. Du point de vue du droit international
privé, il apparaît que l'acceptation du créancier n'est pas un élément nécessaire à la
caractérisation de la matière contractuelle. En effet, l'engagement a nécessairement été dirigé vers autrui car, comme l'énonçait Demolombe, « on ne contracte
173. Ibid., pt. 56.
174. P. Rémy-Corlay, op. cit. 
175. B. Haftel, La notion de matière contractuelle en droit international privé. Étude dans le
domaine du conflit de lois, th. dactyl, Paris II, 2008, p. 89, n° 184. L'auteur recherche notamment les
critères du contrat en droit international privé et dans le domaine du conflit de lois.
176. Expression empruntée à B. Haftel, op. cit., p. 90, n° 185.
177. B. Haftel, « La conclusion du contrat dans le projet d'ordonnance portant réforme du
droit des obligations », Gaz. Pal., 30 avr. 2015, p. 8, n° 120.
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