Bibliothèque de droit privé - Tome 594 - Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations - 205

LES DIVERGENCES ENTRE LES QUALIFICATIONS AUTONOMES ET LEGE FORI

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contrats translatifs de propriété237. La question de la Cour de cassation intervient
dans un contexte interne favorable aux groupes de contrats238. Les juges de Luxembourg ont profité de cette question préjudicielle pour définir positivement et de
manière autonome la matière contractuelle au sens de l'article 5.1 de la convention
de Bruxelles. Il ne saurait y avoir de matière contractuelle, précise la Cour de justice, sans l'existence d'un engagement librement assumé d'une partie envers une
autre239. En l'espèce, à défaut d'un tel engagement, la Cour se contente d'exclure la
qualification contractuelle de l'action directe du sous-acquéreur, sans se prononcer
positivement sur sa nature juridique. À l'époque, ce silence avait pu être interprété
comme un possible retour à l'article 2 de la convention240. L'arrêt La Réunion européenne241 dément cette interprétation. On peut désormais en déduire que l'action
du sous-acquéreur à l'encontre du fabricant relève de la matière délictuelle, au sens
de l'article 5.3 de la convention de Bruxelles.
284. Qualification contractuelle de l'action du sous-acquéreur à l'encontre du
fabricant en droit international privé commun. En droit international privé commun, il a déjà été démontré que les juges nationaux retiennent la qualification
contractuelle de l'action du sous-acquéreur, en présence d'une chaîne internationale de contrats translatifs de propriété. Cette qualification est le reflet d'une
stricte transposition des concepts du for dans l'ordre international. Plus précisément, les juges nationaux se fondent sur l'argumentation du droit interne pour
justifier, dans l'ordre international, la qualification retenue. La théorie de l'accessoire est ainsi évoquée au soutien de la qualification contractuelle de l'action du
sous-acquéreur à l'encontre du fabricant242.
285. Explication. L'explication sera rapide. Cette différence de résultat est le
fruit de la différence de méthodes entre la qualification lege fori et la qualification
autonome. Contrairement à la méthode de la qualification lege fori, qui est incapable de se détacher des concepts du for, la méthode de la qualification autonome
retient une interprétation conforme à la fonction internationale de la règle à interpréter. Cette différence peut donc avoir des répercussions sur les qualifications
retenues dans l'ordre international, notamment lorsque la qualification arrêtée en
droit interne a été exclusivement guidée par des considérations fonctionnelles. Par
ailleurs, en se référant aux sources d'inspiration et aux méthodes d'interprétation
les plus diverses, la démarche de la Cour est sensiblement plus neutre que la
méthode de la qualification lege fori, incapable de prendre ses distances avec les
considérations fonctionnelles du droit interne. En procédant de la sorte, la Cour
de justice est à même de retenir une définition qui soit adaptée aux spécificités de
l'ordre international. Justement, la qualification contractuelle de l'action du sousacquéreur à l'encontre du fabricant, retenue en droit français, est très isolée car
elle a été exclusivement guidée par des considérations fonctionnelles, propres au
droit français, et donc extérieures aux objectifs du droit international privé. Au
contraire, la qualification délictuelle est partagée par la plupart des États membres.
C'est un indice à même d'établir sa neutralité et donc son adéquation avec les
finalités du droit international privé.
237. Cass. civ. 1re, 8 janv. 1991, Rev. crit. DIP. 1991. 411, note Y. Lequette.
238. Pour de plus amples développements sur la question, v. supra no. 105 et s.
239. CJCE, 17 juin 1992, Jakob Handte, préc., pt. 15.
240. H. Gaudemet-Tallon, note préc., sous CJCE, 17 juin 1992, Jakob Handte, préc., p. 737.
241. CJCE, 27 oct. 1998, La Réunion européenne, préc.
242. Pour de plus amples développements sur la question, v. supra n° 110.

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