Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 18 - La constance des stigmates de la faillite - 48

LA CONSTANCE DES STIGMATES DE LA FAILLITE

transcende que d'une déesse qui a vocation à diriger la bonne conduite des hommes.
Selon Denys d'Halicarnasse, elle protège les contrats « qui sont faits sans témoins -et ceux-ci sont beaucoup plus nombreux que les autres -- ne reposent sur aucune autre
sécurité que la bonne foi de ceux qui les contractent, il pensa donc qu'il fallait faire de
cette bonne foi l'objet principal de son soin et la rendre digne du culte divin »40.
91. La civilisation romaine s'inscrit donc dans l'héritage antique qui réprime
la défaillance, et elle fait du respect des engagements un principe fondamental. De
plus en plus, la bonne foi s'utilise dans le domaine du profane, à mesure que la
vieille culture indo-européenne laisse sa place à la culture matérielle du monde
méditerranéen41. La déesse a pour fonction primordiale de défendre la bonne foi
afin qu'elle soit « une chose si inviolable et si vénérable que les plus grands serments
qu'un homme pouvait faire, il les faisait sur sa propre bonne foi »42. Son existence se
nourrit de considérations éminemment pratiques puisqu'elle doit permettre d'encadrer les relations sociales entre les hommes. Elle est souvent invoquée pour ne
pas trop fragiliser le lien de la dette en allégeant les prérogatives des créanciers.
92. Lorsque le panthéon des dieux indo-européens imprime les mentalités
liées au contrat de manière indirecte, la Fides passe du champ religieux au champ
laïc, puisqu'elle représente bientôt non pas une entité immatérielle mais une vertu.
En témoigne la grande variété des étymologies reconnues à ce terme. Elle constitue selon Cicéron « le fondement de la justice [...] c'est-à-dire le respect de notre
parole et l'inviolable fidélité à nos engagements »43. Il ajoute au renfort de son
assertion : « la bonne foi (fides) est ainsi nommée de ce que par elle l'on fait (quum
fit) ce qu'on a dit »44. La parole est donc revêtue d'une puissance considérable
grâce à la seule force de la bonne foi.
93. Malgré l'apparente simplicité de cette affirmation, de nombreuses études
mettent en lumière la complexité de la notion qui s'insinue dans de très nombreux
domaines. Comme le fait remarquer Jean Imbert, son unité originelle ne résiste
pas à l'éclatement du mot fides, utilisé au gré des causes à défendre45. On trouve
des implications de la fides tant dans le droit public que dans le droit privé, tant
dans les engagements entre les hommes que dans les engagements envers les
hommes. Elle s'insinue dans le mariage, dans la promesse des magistrats ou dans
les traités entre les nations. Il s'agit donc d'un principe directeur de toutes les
relations entre les hommes ; mais ce n'est pas la déesse qui lie les hommes entre
eux et leur impose une obligation de réciprocité, mais bien les hommes qui par
leurs paroles décident de se lier les uns aux autres.
94. Bien plus tard, le Digeste consacre une partie au pacte : « édit très
conforme à l'équité naturelle : car il n'y a rien de plus convenable à la bonne foi qui
doit régner parmi les hommes que de respecter ce dont on est convenu »46. Elle justifie aussi l'extrême rigueur imposée aux débiteurs insolvables :
40. « Antiquités romaines », Livre II, LXXXV, Traduction par Philippe Remacle, op. cit.
41. MEILLET, A., « Latin credo et fides », Mémoire de la société linguistique de Paris, 1922,
p. 218.
42. « Antiquités romaines », Livre II, LXXXV, Traduction par Philippe Remacle, op. cit.
43. « Traité des devoirs », Livre I, VII, Traduction par NISARD, D., Œuvre complète de Cicéron,
op. cit., T. IV, p. 430.
44. « Traité de la république », Livre IV, VII, Ibid., p. 337.
45. IMBERT, J., op. cit., p. 407.
46. Les cinquante livres du Digeste ou des Pandectes de l'empereur Justinien, Behmer et Lamort,
Metz, 1805, T. I, p. 152, Livre II, Titre XIV.

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