Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 67 - L'effectivité de la sanction pénale - 378

2952994M-01_effectivite-sanction-penale_corpus Page 378

366

L'EFFECTIVITÉ DE LA SANCTION PÉNALE

constitutionnelle de 1993 ayant supprimé cette consultation100, suppression
confirmée par la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994101, le caractère discrétionnaire du droit de grâce s'en est trouvé accentué102, quand bien même cette
décision doit être contresignée par certains ministres.
421. La nécessité du contreseing. La décision relative à la grâce prend la
forme d'un décret, non publié au Journal officiel103, signé par le chef de l'État,
puis contresigné par le Premier ministre, le ministre de la Justice et, le cas échéant,
par le ou les ministres ayant procédé à l'examen du recours104. La nécessité du
contreseing aurait pu créer des difficultés entre le président de la République et le
Premier ministre ou le garde des Sceaux en cas de désaccord entre eux105. Dans la
pratique constitutionnelle, le contreseing n'a jamais été refusé et s'apparente à
une simple formalité106. La personnalisation du droit de grâce107 est telle que l'absence de contreseing des ministres précités ne saurait entacher cet acte de nullité.
Le droit de grâce demeure une compétence propre du chef de l'État108. L'exercice
du droit de grâce constitue un acte en conscience réservé au président de la République sans que sa responsabilité puisse être engagée109. Cette décision régalienne
et discrétionnaire n'est d'ailleurs ni motivée, ni publiée.
422. Une décision non motivée et non publiée. Le décret de grâce n'a pas à être
motivé. Il n'a pas non plus à être publié. Il est simplement notifié au condamné
100.Dans le projet de loi constitutionnelle de 1993, la consultation du Conseil supérieur de la
magistrature était maintenue. L'Assemblée nationale souhaitait même rendre cette consultation obligatoire.
Au final, la consultation du Conseil supérieur de la magistrature fut supprimée. En pratique, il semble que
le président puisse toujours solliciter l'avis du Conseil, si besoin est. V. N. Merley, op. cit., p. 737.
101. Il s'agit plus précisément de l'article 21 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur
le Conseil supérieur de la magistrature, JORF n° 32 du 8 février 1994, p. 2146.
102. N. Merley, op. cit.
103. L'absence de publicité vise à ne pas porter préjudice au condamné en vue de sa réinsertion.
En revanche, lorsque les grâces collectives étaient encore pratiquées, les décrets étaient parfois publiés.
Il faut dire que les condamnés n'étaient pas individuellement dénommés dans ces décrets. Il reste que,
d'une manière générale, l'absence de publication du décret de grâce va à l'encontre de l'article 2 de
l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois
et de certains actes administratifs, JORF du 21 février 2004.
104. Art. R. 133-2 du CP.
105. V. T. Godefroy et B. Laffargue, in « Pratique de la grâce et justice pénale en France :
l'usage ordinaire d'une mesure exceptionnelle », RSC, 1982, n 3, p. 641, qui soulignent que dans la
pratique, le plus souvent, le chef de l'État suit la proposition du ministre.
106. L. Depussay, op. cit., p. 1092. V. également, N. Merley, op. cit., p. 737. Sur le débat soulevé
par l'existence d'un contreseing en la matière v. R. Bourget, « Les mesures de clémence étatique :
regard de droit et de doctrine comparés (France, Italie et Espagne) », in G.-J. Guglielmi (sous la
direction de), La faveur et le droit, Paris, PUF, 2009, p. 129.
107. Il faut cependant garder à l'esprit qu'à trop personnaliser l'exercice de ce droit, cela lui ôte
sa légitimité. Si l'attribution du droit de grâce au président de la République est légitimée par le fait
que ce dernier est un représentant du peuple souverain, il ne doit donc pas être détaché de cette
fonction. En personnalisant l'exercice du droit de grâce, c'est l'homme et non plus le président de la
République qui l'exerce, ce qui ôte à ce droit toute légitimation. Sur cette question de la personnalisation
du droit de grâce v. L. Depussay, op. cit., pp. 1089-1097.
108. En France, si le droit de grâce prévu à l'article 17 de la Constitution est considéré comme
un pouvoir propre du président de la République, force est de constater que c'est en opposition avec
l'article 19 de la Constitution qui prévoit : « Les actes du président de la République autres que ceux
prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont contresignés par le Premier ministre et,
le cas échéant, par les ministres responsables ».
109. Le Garde des sceaux, A. Peyreffitte, déclara en 1977 : « Je rappelle à l'Assemblée que le
droit de grâce ne relève que de la conscience du chef de l'État et que la tradition parlementaire veut
que l'on ne discute jamais publiquement de l'exercice de ce droit », JORF Débats A.N., 1977, p. 4549.

Black

978-2-275-07299-9__DOCFILE__corpus.indd 366

07/02/2020 09:46:49
Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 67 - L'effectivité de la sanction pénale

Table des matières de la publication Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 67 - L'effectivité de la sanction pénale
