Bibliothèque de droit privé - Tome 602 - La perte de chances en droit privé - 168

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LA PERTE DE CHANCES EN DROIT PRIVÉ

de chances orientées vers l'obtention d'un avantage à la privation de chances orientées vers le fait d'éviter qu'une situation se dégrade ? Elle reposerait sur une approche
finaliste des chances puisqu'elle a plus d'égard pour le préjudice final que pour l'essence du préjudice de perte de chances, qui est ailleurs. La même critique est encourue
pour une présentation consistant à opposer la chance courue à la chance non courue
-  dont nous avons établi, au demeurant, qu'elle n'était pas porteuse de spécificité  -
ou de la nature corporelle ou matérielle du préjudice dit « final ».
290.  Typologie dressée à partir du type d'aléa. Gardant à l'esprit notre souhait de
revaloriser l'aléa caractéristique de la figure de la perte de chances pour mener sa
conceptualisation, nous avons sondé la pertinence de ce critère pour fonder une typologie de la figure de la perte de chances. Cette piste de recherches était invitante à un
double titre. D'abord, elle a été explorée à propos de la perte de chances en droit
administratif par Mme Minet162. Cependant, si certains contentieux dans lesquels la
perte de chances prospère sont parfois communs aux responsabilités civile et administrative, de nombreuses applications sont propres au droit privé, ce qui justifie qu'une
typologie des usages de la perte de chances propre au droit privé soit construite et que
la nature de l'aléa soit mobilisée pour ce faire. Surtout, il apparaît que des contentieux
qu'une autre typologie aurait opposés sont en réalité caractérisés par un même aléa.
Ainsi un avocat a parfois plus en commun avec un expert-comptable qu'avec un de ses
confrères qui aura alors davantage à voir avec celui qui a détruit une preuve. En effet,
lorsqu'un avocat ou un expert-comptable manquent à leur devoir de conseil sur les
incidences fiscales du montage financier qu'ils conseillent à leurs clients, ils sont tenus
de réparer la perte de chances de ne pas subir le redressement fiscal qui s'en est
suivi par exemple ; la perte de chances trouve alors à s'appliquer en raison de l'existence de l'aléa tenant au sens de la décision qu'aurait opérée la victime, dûment informée163. En revanche, lorsqu'une action est prescrite par la faute d'un avocat ou que
des services de police ont fautivement fait disparaître des preuves nécessaires au succès d'une prétention, ils provoquent tous deux la perte de chances pour la victime
d'obtenir gain de cause en justice ; l'aléa tient alors au sens de la décision qu'aurait
prise le juge s'il avait eu à statuer. Une classification ordonnée autour du type de professionnel n'aurait pas permis d'opérer de tels rapprochements. La recherche d'un
critère en ce sens s'avère donc fructueuse puisqu'elle permet d'établir que l'aléa est à
la fois source d'unité de la perte de chances et source de sa diversité : deux types principaux d'aléa peuvent être identifiés, à savoir l'aléa décisionnel ou subjectif (§1) et
l'aléa contextuel ou objectif (§2)164. Il ne s'agit cependant pas d'une summa divisio165
dans la mesure où quelques aléas mixtes existent (§3).
162. A.  Minet, La perte de chance en droit administratif, op. cit., n° 139.
163. L'exemple est tiré de Cass. 1re civ., 5 mars 2009, n° 08-11374. La délivrance d'une information
complète par l'expert-comptable et l'avocat n'aurait pas nécessairement conduit au bénéfice de l'exonération
d'imposition des plus-values car, d'une part, l'acquisition définitive de l'exonération fiscale supposait que
le cessionnaire conservât les titres pour une période cinq ans au moins après leur acquisition et, d'autre
part, les parties se seraient vu offrir une option -  dont on ne connaît l'issue  - entre une cession directe au
fils du cédant et une cession par l'intermédiaire d'une société, ce dont il résultait qu'il y avait une incertitude
sur le choix qui aurait été fait par les parties si elles avaient été informées.
164. Mme Minet distingue l'aléa tenant au pouvoir d'appréciation d'une personne et l'aléa tenant
à une incertitude d'ordre technique (A. Minet, La perte de chance en droit administratif, op.  cit.,
n°  139). Puisque les hypothèses de réparation de la perte de chances en droit privé sont bien plus
nombreuses et diversifiées qu'en droit administratif, nous nous sommes proposée de construire une
typologie propre au droit privé supposait de modifier, d'affiner et de compléter la typologie propre à
la responsabilité administrative proposée par Mme Minet.
165. Stricto sensu, la summa divisio désigne « une opposition au sein de laquelle tout ce qui ne
relève pas de la catégorie principale tombe dans la catégorie « résiduelle ». Il en va ainsi de la distinction

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