Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 256

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LA NOTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE

Cette argumentation peut être extrapolée pour prendre en considération des
décisions nationales refusant d'extrader des personnes par d'autres États. Quand
bien même ces décisions de refus d'extrader ne seraient pas juridiquement contraignantes pour les États, qui demeurent libres de décider souverainement de coopérer et d'extrader le requérant, la décision prise par les juridictions d'un autre État
sur les risques auxquels le requérant pourrait faire face en cas d'extradition ne
pourrait être ignorée par les États, et ce d'autant plus s'il s'agit des États membres
de l'Union européenne.
221. La prise en considération des jugements de refus d'extradition. Nous
avons observé qu'il n'existe pas à ce jour, au sein de l'espace judiciaire européen,
d'instrument permettant à un juge d'un État membre de prendre en considération
un jugement, rendu dans un autre État membre, de refus d'extradition vers un État
tiers. Cette lacune, qui ne trouve aucun fondement juridique, engendre des conséquences incompatibles avec l'espace judiciaire européen. L'adoption d'un instrument européen de reconnaissance du jugement rejetant la demande d'extradition
d'un État tiers paraît alors indispensable. L'étendue de la prise en considération du
jugement peut varier en fonction des circonstances définies par l'instrument européen. Ainsi, l'identité des requêtes d'extradition émanant du même État tiers, déjà
examinée et rejetée par un juge d'un État membre, devrait être le premier élément
à prendre en compte par le juge d'un autre État membre requis. En cas d'identité
des requêtes d'extradition adressées à deux États membres, la reconnaissance du
jugement du premier État saisi ne devrait même pas, en suivant la logique de la
reconnaissance mutuelle, aboutir à l'examen par le second juge des motifs de refus
et du contrôle de l'existence de ces motifs dans sa propre loi nationale d'extradition. Mais quand bien même un tel examen serait prévu par l'instrument européen
en dépit du principe de la reconnaissance mutuelle, la coïncidence des motifs de
refus adoptés par le premier juge avec ceux prévus par le droit du juge requis
devrait donner lieu à la reconnaissance du jugement sans qu'aucune autre formalité ne soit nécessaire. Une démarche différente aboutirait, en effet, pour l'État
requis, de négliger complètement une décision juridictionnelle prise par un autre
État membre, saisi pourtant de la même question émanant du même État tiers. Par
ailleurs, cela impliquerait, pour le deuxième État membre requis, de mettre en
marche son appareil judiciaire afin d'aboutir à la même solution ou à une solution
différente que celle du premier juge requis. Les deux configurations porteraient
atteinte au principe de reconnaissance mutuelle des décisions au sein de l'espace
judiciaire européen. Dans le premier cas, le second État membre requis aurait
déployé des moyens juridictionnels forcément plus importants que demanderait
une simple reconnaissance d'une décision de refus d'extradition. Dans le second
cas, l'État requis aurait pris une décision différente de celle de son homologue face
à la même situation, en créant ainsi une incohérence au sein de l'espace judiciaire
européen. Dans les deux cas, une atteinte aux droits fondamentaux serait forcément portée à la personne qui fait l'objet de la requête d'extradition qui serait
placée, selon les législations et pratiques nationales en matière d'extradition, sous
écrou ou contrôle judiciaire. Enfin, la consécration de la reconnaissance de cette
catégorie de jugements permettrait aux États membres d'adopter des solutions
cohérentes et de garantir des protections équivalentes aux justiciables dans l'espace
judiciaire européen.

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