Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 300

280

LA NOTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE

La protection des droits fondamentaux dans les instances de coopération
judiciaire soulève la question de l'application par les autorités nationales des standards communs. Malgré l'absence de rapport institutionnel et normatif entre la
Cour européenne et la Cour de justice222, le dialogue entre les deux cours s'illustre
essentiellement par « une forme de compréhension mutuelle des objectifs de l'un
et de l'autre de ces ordres juridiques »223. Les influences réciproques entre les deux
cours224 sont exlues du champ de notre étude. Il ne s'agit pas, en effet, d'analyser
le dialogue judiciaire entre deux cours qui se concrétise notamment par les rapprochements entre la jurisprudence des deux cours225. En revanche, il rentre dans
le champ de notre réflexion de savoir quelle protection est accordée aux justiciables concernés par la coopération judiciaire entre les autorités des États
membres. La Convention européenne des droits de l'homme, constitue « un fondement important permettant aux États membres de nourrir et de renforcer la
confiance réciproque dans leurs systèmes juridiques pénaux »226. La Cour européenne a pris position, dans l'arrêt Avotins, rendu en grande chambre le 23 mai
2016, sur les mécanismes de reconnaissance et de confiance mutuelles qui constituent le fondement de l'espace judiciaire européen. La Cour européenne confirme
le maintien du mécanisme de la présomption de la protection équivalente à l'égard
du droit de l'Union européenne, mais précise que, lorsque les conditions d'applications de la présomption sont réunies, les dispositifs de reconnaissance et de
confiance mutuelles ne doivent laisser subsister « aucune lacune ou situation particulière donnant lieu à une insuffisance manifeste de la protection des droits de
l'homme garantis par la Convention ». La Cour refuse alors une application
automatique du principe de confiance mutuelle et impose « au juge de l'État
requis de procéder à un contrôle adapté à la gravité des allégations sérieuses de
violation des droits fondamentaux dans l'État d'origine afin d'éviter une insuffisance manifeste dans la protection de ces droits »227.
L'absence de rapport institutionnel et normatif entre la Cour européenne et la
Cour de justice que nous venons d'évoquer peut faire penser qu'une « logique normative formelle (primauté de l'Union) domine sur une « logique substantielle (la prévalence inconditionnelle des droits fondamentaux) »228. Cependant, comme nous l'avons
vu lors de l'étude du mandat d'arrêt européen par le juge d'exécution, la Cour de
justice ne limite pas son évaluation de la confiance mutuelle au contrôle des motifs de
222. Il convient de souligner simplement que les négociations sur l'adhésion de l'Union
européenne, suite à l'avis 2/13 rendu par la Cour de justice concluant à l'incompatibilité du projet
d'adhésion de l'Union européenne à la Conv. EDH, ne risquent pas d'aboutir prochainement. 
223. X. SOUVIGNET, « Cour de justice de l'Union européenne et Cour européenne des droits
de l'homme : dialogue des juges ou objectivité des droits fondamentaux », in S. MENÉTREY,
B. HESS, Les dialogues des juges en Europe, Larcier, p. 143, spéc. p. 144.
224. V. supra n° 18.
225. Sur la question, V. not. D. SIMON, « Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : je
t'aime, moi non plus », Pouvoirs, n° 96, 2001.
226. Crim., 24 juin 1997, Bull. crim. n° 252 mettant en œuvre la convention européenne d'entraide
judiciaire du 20 avril 1959 : « Les commissions rogatoires sont exécutées dans les formes prévues par
la législation de l'État requis (...). »
227. CEDH, gr. Ch., 23  mai 2016, n°  17502/07, AJDA  2016.1738, chron. L. BURGORGUELARSEN, D.  2017.1011, obs.  H. GAUDEMET-TALLON et F. JAULT-SESEKE ; J.-S. BERGÉ,
« Avotins ou le calme qui couve la tempête », ELJS, 26 mai 2016 ; F. BENOÎT-ROHMER, « Les cours
européennes face au défi de la confiance mutuelle », RTDH  2017.391 ; M. GUIRESSE, « Confiance
mutuelle et mandat d'arrêt européen : évolution ou inflexion de la Cour de justice ? », ESLJ, 12 avr. 2016.
228. X. SOUVIGNER, « Cour de justice de l'Union européenne et Cour européenne des droits
de l'homme : dialogue des juges ou objectivité des droits fondamentaux ? », op. cit., p. 154.

978-2-275-07307-1__DOCFILE__corpus.indd 280

24/04/2020 10:46:31
Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire
