Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 449

La rÉCIPROCITÉ, fondement de la coopÉration judiciaire

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reconnaissance des jugements étrangers. Dans une instance avec un élément d'extranéité, qui est loin d'être une hypothèse marginale, ces objectifs ne peuvent être
atteints par un ordre juridique seul. La coopération des autorités judiciaires permet de compenser le cloisonnement des ordres juridiques et d'assurer ainsi le respect des droits de la défense des plaideurs transfrontaliers. Ainsi la notification
effective de l'assignation constitue la première garantie du respect des droits de la
défense189. La participation du juge d'appui à la constitution du tribunal arbitral
permet de nouer un lien processuel d'instance entre l'arbitre et les parties en mettant fin à la paralysie procédurale créée par l'attitude récalcitrante du défendeur190.
En assurant les droits de la défense, la coopération judiciaire contribue à l'amélioration du climat de confiance et les relations réciproques entre les ordres juridiques.
La coopération judiciaire assure ainsi le tissage du lien social dans les instances
transfrontalières. Elle contribue au bon fonctionnement de l'administration de la
justice transfrontalière qui, de son côté, permet de construire la paix sociale. Dans
une plus grande échelle, la coopération judiciaire permet in fine d'organiser une
coexistence des ordres juridiques.
2. La coexistence des ordres juridiques
428. La coopération judiciaire, dimension procédurale de la coexistence des
ordres juridiques. La coexistence procédurale des ordres juridiques est « à la fois le
produit et le cadre juridique de la contrainte que les souverainetés s'imposent à
elles-mêmes »191. Cette organisation est requise chaque fois que se pose une question d'extranéité dans une instance.
Selon Kant, « toute action est juste qui peut faire coexister la liberté de chacun avec la liberté de tout autre selon une loi universelle de coexistence »192. Pour
lui, c'est en raison de ce rapport de coexistence inévitable qu'il convient de « sortir
de cet état [de nature] pour entrer dans un état juridique, c'est-à-dire un état de
justice distributive »193. Nous retrouvons également cette idée kantienne de coexistence, même si elle est justifiée par des considérations moins pacifistes chez
189. Sur le respect des droits de la défense et la coopération judiciaire dans l'espace judiciaire
européen, V. M. DOUCHY-OUDOT, « Le procès civil et les affaires transfrontalières : vers un espace
judiciaire européen », in Mélanges Pierre Julien, La justice civile au XXIe siècle, Aix-en-Provence,
Edilaix, 2003, p. 161.
190. V. supra n° 41 et s.
191. P.-M. DUPUY, « L'unité de l'ordre juridique », RCADI, 2000, p. 94.
192. E. KANT, Métaphysique des mœurs. Première partie : Doctrine du droit, trad. fr. par
A. Philonenko, 5e éd., Paris, Vrin, lettre c.
193. E. KANT, La Métaphysique des mœurs, op. cit. p. 188. John Rawls a bâti ses réflexions sur
la cohésion sociale kantienne ; dans son ouvrage majeur de philosophie, The Theory of Justice, Rawls
présente son idée majeure - « la justice comme équité » - du contrat social fondé sur la justice. Rawls
se démarque toutefois de Kant à deux égards. D'abord, à la différence de Kant, Rawls fait de la justice
la première vertu des institutions sociales ; c'est le fondement même de la société démocratique. Ce
n'est qu'à titre secondaire que la justice apparaît comme une vertu individuelle. Ensuite, en ce qui
concerne le passage de l'autonomie individuelle au contrat social, il est présupposé chez Kant ; Rawls,
en revanche, donne une explication procédurale à la question du juste. Selon lui, une institution juste
est celle qu'une pluralité d'individus raisonnables et désintéressés choisiront si ces individus peuvent
délibérer dans une situation qui serait elle-même équitable. Seule une procédure de délibération de
type contractualiste est de nature à engendrer les principes de justice, et cela indépendamment de la
conception que pourraient se faire les individus d'un bien commun. J. RAWLS, La théorie de la justice,
tr. fr. par C. Audard, Éditions du Seuil, 1987 ; Pour une lecture critique de la théorie de Rawls,
V. P. RICOEUR, Juste. Ricoeur ne considère pas qu'une théorie purement procédurale de la justice
soit possible. Elle est forcément imprégnée d'un sens moral fondé sur la règle « ne fait pas à autrui ce

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