Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 86

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LA NOTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE

constitutionnel qui répartit différemment le rôle respectif des intérêts privés et de
l'intérêt général, des sujets de droit et de l'État, de la société civile et de la puissance publique »168. La disclosure, aussi appelée discovery, est sans doute l'exemple
le plus démonstratif des difficultés d'interaction entre les juges.
65.  La coopération judiciaire et la discovery. La disclosure est une demande
de divulgation de document qui « contient quelque information qui puisse aider
l'autre partie à soutenir sa cause ou à contester celle de son adversaire, si ce document peut raisonnablement provoquer un enchaînement d'enquête pouvant avoir
soit l'une soit l'autre conséquence, c'est-à-dire à la révélation des documents sur
lesquels chaque partie entend se fonder, et à l'échange de ces informations et
documents entre les parties »169. Cette procédure est méconnue des systèmes civilistes. « Disons discovery et tout est dit avec ce mot qui n'a pas son équivalent
juridique dans la langue de Molière, expression d'une réalité spécifiquement américaine (...). »170 À la procédure américaine, caractérisée par une large discovery
assortie de sanctions directes et obligatoires171, s'oppose la procédure continentale
limitée de la recherche des preuves, sanctionnée par des moyens indirects sous
forme de désavantages procéduraux - « tirer toute conséquence d'une abstention »172. Le recours à une telle mesure n'est pas perçu par le juge américain
168. L. CADIET, « Quelles preuves ? Discovery, témoins, experts, rôle respectif des parties et du
juge », in Ph. Fouchard (sous la dir.), Vers un procès civil universel ? Les règles transnationales de
procédure civile de l'American Law Institute, Éditions Panthéon-Assas (Paris), 2001, p. 115 ; H. MUIR
WATT, « Discovery/Disclosure », in L. CADIET (dir.), Le Dictionnaire de la Justice, PUF, 2004 ; pour
une approche comparative entre le droit français, le droit allemand et le droit anglais, V. F. FERRAND,
« Preuve », in Répertoire de Procédure civile, Dalloz, décembre  2013 (actualisation : avril  2016) ;
G. MECARELLI, « Quelques réflexions en matière de discovery », Revue uniforme de droit, 2001-4,
p. 901. La doctrine allemande parle de Justizkonflikt. V. P. SCHLOSSER, Der Justizkonflikt zwischen
den USA und Europa, De Gruyter, 1985. Sur les problèmes de recherche transfrontalière de preuves
entre les systèmes de droit civil à l'exemple de l'Italie et de common law, V. L. FUMAGALLI, Conflitti
tra giurisdizioni nell'assunzione di prove cili all'estero, Studio e pubblicazioni della Rivista di diritto
internazionale privato e processuale, vol. 33, CEDAM Padova, 1990.
169. Compagnie Financière du Pacifique v. Peruvian Guano Co. [1882] AA QBD 55, 63, cité par
R. ROTH, « Les éléments de fait réunis par le juge : le système anglais », in Juges et jugements :
l'Europe plurielle, Société de législation comparée, 1998, p. 27. V. également sur le droit anglais de la
preuve, V. ANDREWS, English Civil Procedure, Oxford University Press, 2003 ; The Pursuit of Truth
in Modern English Civil Proceedings, ZZP Int., 8, 2003, p. 69 ; The Modern Civil Process, Tübingen,
2008, Mohr Siebeck éd., 2008 ; The Three Paths of Justice, 2012, Springer éd. ; JOLOWICZ, On Civil
Procedure, 2000, Cambridge University Press ; C. TRAPPER, Cross and Trapper on Evidence,
Butterworth, 12e éd., 2010.
170. L. CADIET, « Quelles preuves ? Discovery, témoins, experts, rôle respectif des parties et du
juge », op. cit., p. 115. La procédure de discovery revêt cependant des caractéristiques très différentes
dans sa version anglaise (réglementée par les Rules of Supreme Court) et américaine (régie, devant les
juridictions fédérales, par les Federal Rules of Civil Procedure) ; V. H. MUIR WATT, « Discovery/
Disclosure », op. cit.
171. Le système anglo-américain prévoit également une évaluation négative en cas d'absence de
la part des parties de coopérer en matière de preuves. Mais il prévoit également l'emprisonnement ou
l'amende pour avoir commis le contempt of court. Sur les différences principales entre deux systèmes
en matière de preuves, V. notamment R. STÜRNER, « Transnational civil procédure : Discovery and
sanctions against non-compliance », Rev. dr. unif. 2001-4, p. 871.
172. Article 11, al. 1er du Code de procédure civile. V., parmi beaucoup d'autres, Ph. THÉRY,
« L'administration de la preuve en droit judiciaire privé français. Évolution et tendances », Revue
juridique et politique. Indépendance et coopération, 1985, p. 585. V. aussi Article 23 de la Convention de
La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale
donnant aux États contractants, au moment de la signture, de la ratification ou de l'adhésion à la
Convention, de « déclarer qu'il n'exécute pas les commissions rogatoires qui ont pour objet une
procédure connue dans les États du Common Law sous le nom de ''pre-trial discovery of documents" ».

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