Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 109

Le contrat comme phénomène

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Ainsi, à l'instar du droit américain, le droit français implique l'intrusion d'un
élément objectif - alors même que l'on postule la théorie subjective du consentement  - puisque la volonté interne, qui vise l'objet-représentation, est postulée
comme étant la même que l'objet-existant au moment de la conclusion du contrat
(par une représentation adéquate de l'objet). L'objectivité de l'objet-existant s'impose alors à la subjectivation possible due à sa représentation.
122. - Cela ne veut pas dire pour autant bien évidemment que l'objet-représentation - la représentation que le sujet s'est faite de l'objet-existant - n'est plus
pris en considération par les deux droits français et américain. Au contraire, il
réapparaît avec toute sa force lorsqu'il s'agit de contrôler la validité du contrat et
notamment les vices du consentement. C'est seulement au stade de l'appréciation
de l'existence du contrat que les objets-représentation sont neutralisés en droit
américain ou considérés comme en conformité parfaite aux objets-existant en
droit français.
Plus précisément, en droit américain, lorsque l'on se rend compte, postérieurement à la conclusion du contrat, que les deux objets-représentation étaient
-différents de l'objet-existant, on peut demander l'annulation du contrat sur le fondement de l'erreur (mistake16). Dans notre exemple, lorsque l'on se rend compte
que les représentations n'étaient pas conformes à la table objet-existant, si les deux
parties pensaient conclure une vente sur une table aux pieds de même taille par
exemple alors même que la table avait un pied plus court que les autres, on considère que les parties peuvent demander la nullité du contrat. Dans le même sens, en
droit français, lorsque l'on prend conscience que les représentations divergeaient,
on peut demander la nullité du contrat si certaines conditions sont remplies17.
123.  -  L'articulation de l'objet-représentation et de l'objet-existant nous
permet de mieux comprendre les fondements théoriques sur lesquels les droits
américain et français sont considérés être fondés. En droit américain, on fait
comme si le sujet avait accès directement à l'objet-existant. En droit français, on
fait comme si l'objet-représentation était l'objet-existant lui-même. Cependant, il
est bien évident que le sujet ne peut jamais avoir accès à la réalité sans le prisme
de la représentation. Nos déterminations subjectives, même si on essaie de les
taire le plus que l'on peut, ressortent nécessairement.
Aux États-Unis, cela implique que le droit positif a fini par accepter à la fois
une torsion subjective ainsi qu'une exception subjective. Par la torsion subjective, le
juge vérifie que la personne a pu concrètement, subjectivement, se fonder sur la
manifestation de volonté de l'autre partie pour former sa propre volonté. En
d'autres termes, on vérifie que le sujet a bien pu se représenter la réalité pour agir.
Bref, on s'assure que le sujet a un objet-représentation... Quant à l'exception
16. §152 When a mistake of both parties makes the contract voidable (Restatement (Second) of
Contracts):
"(1) Where a mistake of both parties at the time a contract was made as to a basic assumption
on which the contract was made has a material effect on the agreed exchange of performances, the
contract is voidable by the adversely affected party unless he bears the risk of the mistake under the
rule stated in § 154.
(2) In determining whether the mistake has a material effect on the agreed exchange of
performances, account is taken of any relief by way of reformation, restitution, or otherwise."
17. Articles 1132 à  1136 du Code civil issus de l'ordonnance du 10  février 2016. Ancien
article 1110 du Code civil.

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