Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 164

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

décisions qui, de prime abord, peuvent sembler contradictoires. Bref, il fait ce que le
Doyen Carbonnier appelle du « droit dogmatique » 14. Il est bien évidemment susceptible de critiquer des décisions contradictoires ou qui ne trouvent pas de justification suffisante dans le schème de la branche qu'il étudie, ou plus généralement
dans le droit français. Mais il ne s'agit pas, pour lui, de se demander si la personne
a plus de raisons de se conformer au contrat ou de ne pas s'y conformer. Jusqu'à un
certain point, cette question n'a aucun sens en France. C'est une question que peut
se poser le sociologue ou l'économiste ou encore le théoricien du droit qui a délaissé
l'étude du droit positif, mais le rôle du juriste est avant tout conçu comme la
recherche d'une présentation clarifiée d'un tout, s'offrant à nous comme un
ensemble inintelligible qu'il s'agit de comprendre. À la rigueur, son travail peut être
de présenter à la personne lui demandant conseil les risques juridiques qu'elle
encourt si elle ne remplit pas son engagement, mais, pour ce faire, il se mettra à la
place du juge et se demandera ce que ce dernier ferait s'il était confronté à cette
situation. Il y a alors bien un lien avec Holmes qui considère que le rôle du juriste
est de prédire la sanction juridique infligée à une personne ne se conformant pas au
droit. Mais il s'agit, dans la perspective commune française, de déterminer ce que la
personne risque, et non pas de dire si la personne a suffisamment de raisons de se
conformer au droit ou non - ce que le bad man implique en réalité puisque celui-ci,
se demandant s'il va ou non se conformer au droit, est susceptible de prendre en
considération des raisons d'agir que le juge ne considère pas.
Ainsi, la neutralité normative, c'est-à-dire le fait que l'on considère qu'une
personne peut peser le pour et le contre dans son choix de se conformer à la règle
de droit, ne semble pas une position de la doctrine française majoritaire puisque
l'on considère le système juridique en son entier, et non pas le rapport entre le
sujet et ledit système. Cela ne démontre en rien un défaut, ou un quelconque
manque des Français au regard de la doctrine américaine. Nous ne cherchons pas
à affirmer que les Américains, bien plus pragmatiques et sérieux que nous,
auraient adopté une bien meilleure méthode que la nôtre. Nous ne faisons que
décrire, sans aucune critique particulière, les méthodes et les modes spontanés de
pensée relatifs au droit.  Pour caricaturer, nous pourrions dire que le privatiste
français voit le droit comme une pyramide dont il doit articuler les étages (puisque
c'est ce que l'on apprend à faire dès la première année de droit) alors que le juriste
américain se demande si la personne a plus de raisons ou non d'essayer de monter
sur cette pyramide.
199. - Ces différentes approches influencent profondément la manière dont
les juristes appréhendent la deuxième question posée par Holmes : d'où viennent
les règles de droit positif ?
En effet, dans la perspective de Holmes, se poser cette question, c'est préparer un travail de déconstruction et montrer le caractère possiblement fallacieux de
ce que l'on présente comme le résultat d'une tradition s'imposant irrésistiblement
et nécessairement au juge. Il écrit que « le principe de base est la tradition, à un tel
point que nous sommes dans le danger même de donner à l'histoire un rôle plus
important qu'elle ne devrait avoir »15.
Il poursuit en considérant que l'étude de l'histoire du droit et le rôle de la
tradition en droit devraient avoir un rôle minime, voir presque inexistant.  La
14. Jean CARBONNIER, Sociologie juridique, op. cit., p. 16.
15. Oliver Wendell HOLMES, « The path of the law », loc. cit., p. 472.

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