Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 195

La consécration des fondements dans les droits positifs

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d'achat de voiture en versant 500 dollars d'arrhes. En refusant d'exécuter sa promesse, le gain manqué par le neveu est de 5 000 dollars. Mais la perte éprouvée
par le neveu, qui s'est fondé sur la promesse pour conclure une promesse d'achat
de voiture, est de 500 dollars. Si, appliquant la règle de la consideration, le juge
considère que l'abstention a été faite en contrepartie de la promesse, il allouera
5 000 dollars (expectation interest). En revanche, s'il ne voit pas d'échange (bargain), ce qui lui ferait dire qu'il n'y a pas de consideration, et qu'il juge que les
conditions de la promissory estoppel sont remplies, il sera plutôt enclin à condamner l'oncle à payer 500 dollars à son neveu.
243. - Dès lors, il n'est pas surprenant de constater qu'une des affaires considérées comme ayant inspiré les § 90 des deux Restatements, soit une promesse de
donner une certaine somme d'argent dans le cadre familial. Plus précisément,
quelques années après l'affaire Hamer v.  Sidway (1891), la Cour suprême du
Nebraska a jugé, dans l'affaire Ricketts v. Scotthorn49 (1898), que la promesse faite
par un grand-père à sa petite-fille de lui donner 2 000 dollars était obligatoire car
elle remplissait les conditions de la promissory estoppel (appelée dans l'arrêt equitable estoppel)50 . En l'espèce, M.  Rickett est le grand-père de Mme  -Scothorn.
Allant la voir à son travail, il lui annonce qu'elle ne devrait plus avoir à travailler
dorénavant puisqu'aucun de ses petits-enfants ne travaille. Pour ce faire, il lui promet de lui donner 2 000 dollars. L'arrêt insiste bien sur le fait qu'il ne lui demande
pas d'arrêter de travailler51. Cela constitue évidemment une très grande différence
avec les faits de Hamer v. Sidway où la promesse était conditionnée à une certaine
abstention de la part du neveu (ne pas fumer, boire ni jouer jusqu'à ses 21 ans). Ici,
le grand-père ne demande pas à sa petite-fille de ne pas travailler, mais souhaite
simplement lui donner la possibilité de ne pas le faire.
Se fondant sur la promesse, Mme Scotthorn quitte son travail. À la mort de
son grand-père, elle demande à son exécuteur testamentaire le paiement du reste
de la somme due. La question était alors de savoir si la promesse était obligatoire. En appliquant la règle classique de la consideration, il ne semble pas qu'elle
ait subi de désavantage du fait de la promesse puisqu'elle pouvait travailler.
Même si le juge avait anticipé la conception moderne de la consideration qui vise
à garantir un échange entre prestations (bargain)52, il aurait constaté qu'il n'y a
pas eu d'échange entre la promesse d'un côté, et le fait d'avoir quitté son travail
d'un autre côté.
49. 42 L.R.A. 794, 57 Neb. 51, 77 N.W. 365, 73 Am.St.Rep. 491.
50. On distingue aujourd'hui l'equitable estoppel et le promissory estoppel. L'equitable estoppel naît
d'une mauvaise présentation des faits par une partie (par exemple : j'affirme avoir 10 000 euros sur mon
compte alors que c'est faux). Le promissory estoppel est une promesse qui induit une personne à agir (par
exemple : je vous promets 10 000 euros si vous me refaites la toiture de ma maison et je rétracte ma
promesse). Une présentation claire de la différence peut être trouvée dans un article du professeur
Snyder, cf.  David V. SNYDER, « Comparative Law in Action », loc. cit., p.  701. Dans l'arrêt étudié
Ricketts v. Scotthorn, on évoque l'equitable estoppel car la doctrine de la promissory estoppel n'avait pas
encore été développée (Grant Gilmore explique en détails l'importance d'Arthur L. Corbin quant à la
création de cette règle dans son livre The death of contract, op. cit, p. 62-64). Mais il s'agit bien en l'espèce
d'un cas relatif à la promissory estoppel puisque M. Ricketts a promis de donner $2000.
51. "Her right to the money promised in the note was not made to depend upon an abandonment
of her employment with Mayer Bros., and future abstention from like service. Mr. Ricketts made no
condition, requirement, or request. He exacted no quid pro quo. He gave the note as a gratuity, and
looked for nothing in return."
52. En 1898, c'est la conception classique fondée sur le benefit/detriment que l'on appliquait. C'est
ce que l'on a vu avec l'affaire Hamer v. Sidway.

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