Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 217

La consécration des fondements dans les droits positifs

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personne ait exprimé ce motif, nul ne le sait. La seule chose que l'on peut constater est qu'une personne souhaite vendre sa table contre 100 euros. Ainsi, le seul
motif que l'on peut découvrir est la raison proche (causa proxima) d'obtenir les
100 euros, et non pas la cause lointaine - d'acheter des chaises - qui nous est
inconnue (causae remotae)99 . Pour nous, bien saisir l'importance du motif raisonnable imposé au vécu subjectif est essentiel pour comprendre la méthode que
le juge emploie, intuitivement, lorsqu'il cherche à déterminer si l'obligation d'une
partie est causée. En effet, le juge semble se poser toujours les deux mêmes questions (la première se révélera en réalité une double question) : premièrement,
qu'aurait compris une personne raisonnable des motifs de l'engagement de l'autre
partie, et ces motifs ont-ils été acceptés ? Deuxièmement, l'exécution envisagée par
la partie était-elle possible ?
287. - C'est que le juge cherche d'abord à déterminer la cause de l'engagement de la partie (A) avant de vérifier que cette cause existait bien au moment de
la conclusion du contrat (B).
A. DÉTERMINER LA CAUSE
288. - La cause est le motif de la volonté de contracter. Mais comme le
motif purement subjectif nous est inconnu puisque nous n'avons pas accès au for
intérieur du sujet, il y a une tentation très grande de distinguer fondamentalement
cause et motif, pour faire de la cause « une réalité matérielle »100 (1). Pourtant, il
semble que la cause puisse être déduite de l'apparence de volonté des parties :
appliquant le standard de la personne raisonnable, le juge se demande ce que
l'autre partie aurait compris du motif de sa volonté de contracter (2).
1. Cause et motif
289. - Un homme vend une table sur une brocante. Alors que nous nous
approchons de son stand, l'homme nous indique le prix de 100 euros. Nous lui
disons immédiatement que nous acceptons le prix.
Quel est le motif purement subjectif de la volonté de contracter du brocanteur ? Nous n'en savons rien. Par exemple, il peut avoir disposé un magazine de
voitures sur la table vendue : souhaite-t-il vendre sa table en vue d'acheter une
voiture ? C'est une possibilité, mais nous ne pouvons que le supputer. De son côté,
que peut-il connaître du motif qui nous fait vouloir acheter cette table ? Le vendeur sait-il, par exemple, que nous espérons qu'elle ira parfaitement avec les
rideaux jaunes de notre cuisine ? La réponse est négative. En revanche, il peut
déduire de notre manifestation de volonté que nous souhaitons acheter cette table
pour en obtenir la propriété contre 100 euros.
Cette distinction entre le motif véritable et le motif exprimé est le problème
principal relatif à la cause. C'est ce qui explique, à notre avis, que la doctrine ait
cherché à distinguer cause et motif.
99. Muriel FABRE-MAGNAN, Droit des obligations : Tome 1, contrat et engagement unilatéral,
op. cit., p. 425, §410 : « Pourquoi ont-elles contracté ? Il y a plusieurs réponses à la question du
pourquoi. On distingue en la matière couramment la raison proche (causa proxima) des raisons plus
lointaines (causae remotae) de contracter. Si j'accepte de payer une somme d'argent, ce peut être pour
avoir en échange une voiture (causa proxima) qui me servira à partir à l'étranger (causa remota). »
100. Georges ROUHETTE, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, s.l., Université
de Paris, 1965, p. 459, §143.

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