Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 29

Introduction

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15. - Nous verrons qu'il n'en est rien, à la condition de déplacer le regard
par rapport à ce que nous montrent les juristes américains et d'analyser en retour
leur droit à la lumière d'une grille plus française.
En y réfléchissant, les qualificatifs d' « objectif » et de « subjectif » sont en
effet invoqués et utilisés en droit français, mais les auteurs ne se concentrent alors
pas principalement sur la formation du contrat et sur les consentements
échangés.
En droit français en effet, la référence à la volonté de contracter évoque
davantage la théorie de l'autonomie de la volonté54. Cette théorie implique une
certaine conception de l'accord des volontés mais son objet principal n'est pas de
démontrer que la volonté interne doit prévaloir sur la volonté manifestée. Au
contraire, il s'agit bien plutôt d'établir que les parties sont libres de contracter ou
non et de déterminer à la fois la forme et le contenu de leur contrat. Il s'agit aussi
d'expliquer et de justifier l'effet relatif des contrats55. Élaborée à la fin du
XIXe siècle56, systématisée et critiquée par Gounot en 191257, la théorie de l'autonomie de la volonté a été et est encore un sujet de débat doctrinal en droit des
contrats en France. Les discussions n'ont alors pas porté principalement sur l'importance à donner à la volonté déclarée au regard de la volonté interne mais bien
plutôt sur le rapport entre l'autonomie de la personne de choisir son engagement
et les limites que la société lui impose58.
16. - Il s'agira alors de déplacer le regard pour examiner non plus une théorie (objective ou subjective) du consentement, mais plutôt une théorie (objective
ou subjective) du contrat. 
Cela revient à nous intéresser à la théorie générale du contrat au sens retenu
par le Professeur Éric Savaux dans sa thèse. Pour lui, ce que l'on nomme traditionnellement « la théorie générale du contrat » n'est pas une véritable théorie puisque
les civilistes ont simplement l'ambition de présenter le droit commun des
contrats59. C'est qu'« il n'y a dans la théorie générale du contrat que des normes »60.
Pour le Professeur Savaux, cette confusion entre théorie générale et droit
positif serait un mythe puisqu'une telle systématisation des règles s'inscrirait
nécessairement dans une certaine conception du contrat. Ainsi, il faudrait revenir
54. Ph.  Malinvaud, D. Fenouillet et M.  Mekki, Droit des obligations, op.  cit., p. 79‑80, §85 ;
B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil - Les Obligations, tome 2, op. cit., p. 4‑12, §5-37.
55. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Sérinet, La formation du contrat. Tome 1 : Le contrat - Le
consentement, 4e éd., Paris, LGDJ, 2013, p. 156‑157, §193-197.
56. V.  Ranouil, L'autonomie de la volonté : Naissance et évolution d'un concept, préf. J.-Ph. Lévy.,
Paris, Presses Universitaires de France, 1980.
57. E.  Gounot, Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé : contribution à l'étude
critique de l'individualisme juridique, Thèse de doctorat, Université de Bourgogne. UFR de droit et
science politique, France, 1912.
58. Cela ne signifie pas pour autant que l'autonomie de la volonté n'est pas la source et la
justification de la théorie subjective dans l'interprétation des contrats, voir not. B. Starck, H. Roland
et L. Boyer, Droit civil - Les Obligations, tome 2, op. cit., p. 67, §189 : « La thèse subjective prend appui
sur l'article 1156 [ancien] du Code civil [...]. Cette thèse se rattache à l'idée d'autonomie de la volonté
ainsi qu'au libéralisme juridique, économique et social, et, par conséquent, porte condamnation de la
théorie de la déclaration de volonté. »
59. E.  Savaux, La théorie générale du contrat, mythe ou réalité ?, préf.  Aubert., Paris, France,
LGDJ, 1997, p. 44‑45, §46 : « Le mot décrit toujours le même objet : un ensemble de règles ayant
vocation à régir tous les contrats. »
60. Ibid., p. 102, §138.

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