Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 306

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

Ainsi, la nature de la violation du cocontractant n'a qu'une importance très
relative en droit américain. Mais ce sont bien plutôt les conséquences de la violation qui sont déterminantes. Il faut d'ailleurs, d'après le (3), qu'elles soient
conformes à la justice puisque le juge peut décider comme il l'entend de limiter la
réparation au vu des circonstances de l'espèce. Cela est parfaitement conforme à
la théorie objective dans laquelle s'inscrit le droit américain : il s'agit de s'assurer
que la permutation de valeurs telle qu'elle a été conçue par les parties au moment
de la conclusion du contrat advienne. On jauge les contre-prestations à partir de
ce qu'elles étaient censées faire advenir dans le monde et non pas au vu des comportements de chaque partie.
455. - Une remarque peut immédiatement être faite. En limitant la réparation aux dommages prévisibles, n'est-on pas en train d'introduire l'importance du
sujet dans l'appréciation des conséquences contractuelles ? En d'autres termes, si
l'attente suscitée par la promesse de l'autre partie n'est pas le fondement de la
réparation contractuelle, pourquoi réduire le dommage à ce qui était prévisible,
c'est-à-dire exactement à ce que les parties pouvaient s'attendre à obtenir ? Pour
nous, la réponse peut être donnée si l'on cherche à comprendre ce qu'est le cœur
de la notion du contrat américain : une permutation volontaire de valeurs. La
volonté de permuter américaine, bien qu'elle n'ait pas à avoir un contenu aussi
certain qu'une promesse à la française, implique malgré tout une prévision espérée de permutation. Ainsi, ce n'est pas l'attente suscitée par la promesse qui est
protégée par la condition de prévisibilité du dommage, mais bien plutôt l'advenue
d'une permutation de valeurs aussi favorable que celle qui était visée au jour de la
conclusion du contrat.
456. - En résumé, les différents modes de calcul de la réparation du dommage en droit américain, au contraire du mode de calcul unique en droit français,
et l'importance donnée au comportement du cocontractant pour remettre en
cause le plafond d'indemnisation posée par la prévisibilité du dommage, nous
indiquent la tendance du droit américain à privilégier la permutation de valeurs
conformément à la théorie objective du contrat, et du droit français à garantir
l'exécution de la promesse de l'autre partie conformément à son engagement. En
effet, en considérant que le juge américain peut décider de protéger le reliance
interest plutôt que l'expectation interest, le droit américain pose en filigrane que
lorsque la permutation de valeurs est impossible à évaluer, il faut faire comme si
le contrat n'avait pas existé. Au contraire, en droit français, le cocontractant doit
agir pour se conformer au mieux à ses obligations contractuelles et ce pour la
simple raison qu'il l'a promis. Son attitude est scrutée puisqu'il a donné l'espoir à
l'autre partie qu'elle obtiendra quelque chose et qu'il s'agit pour lui de faire en
sorte que cet espoir ne soit pas déçu350.
(2) Loss may be foreseeable as a probable result of a breach because it follows from the breach
(a) in the ordinary course of events, or
(b) as a result of special circumstances, beyond the ordinary course of events, that the party in
breach had reason to know.
(3) A court may limit damages for foreseeable loss by excluding recovery for loss of profits, by
allowing recovery only for loss incurred in reliance, or otherwise if it concludes that in the circumstances
justice so requires in order to avoid disproportionate compensation."
350. Il n'est dès lors pas étonnant que la distinction des obligations de moyen et de résultat ait
été formée en droit français pour apprécier l'inexécution contractuelle et non pas en droit américain.
C'est que le comportement du cocontractant nous importe beaucoup plus que les Américains qui se
concentrent sur la permutation de valeurs permise par le contrat.

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