Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 332

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

droits, sans qu'elles l'aient véritablement voulu. En d'autres termes, la problématique est la suivante : peut-on concilier la liberté que les personnes ont de transférer
leur droit et l'appréciation strictement objective de l'exercice de cette liberté qui ne
prend en compte que la manifestation de volonté des cocontractants ?
506. - Pour le professeur Barnett, la réponse se trouve dans le concept de
droit qui rayonne sur sa théorie du contrat.  En effet, pour lui, les droits sont
sociaux, c'est-à-dire qu'un individu ne peut être titulaire de droits que dans une
société. Si les droits sont un concept social, c'est parce qu'ils permettent de distinguer les actions que l'on peut faire (se prévaloir de ses droits ; transférer ses droits
par le consentement) de celles qui nous sont interdites (remettre en cause les droits
des autres personnes sans qu'elles y aient consenti). En d'autres termes, la théorie
de l'habilitation nous permet d'agir en fonction des droits dont nous sommes
titulaires, en considération des droits des autres personnes. Pour que l'on puisse
agir, il nous faut pouvoir déterminer quels sont les droits dont autrui est titulaire.
Pour ce faire, on doit pouvoir se fonder sur ce que les autres personnes manifestent, c'est-à-dire ce que l'on peut objectivement percevoir. Cela explique, pour
le professeur Barnett, en quoi la théorie objective du consentement serait justifiée.
Au contraire, la théorie subjective du consentement risquerait de créer des conflits
puisque les personnes auraient toute latitude pour chercher à démontrer que leurs
manifestations de volonté, c'est-à-dire ce sur quoi les autres personnes se sont
fondées pour déterminer leur liberté d'agir et d'interagir, ne sont pas conformes à
leurs volontés internes. Il écrit que « [l]a fonction d'une théorie des droits est de
définir les limites de l'action humaine et de résoudre des revendications divergentes.
Une théorie des droits cohérente allouera donc largement les droits sur la base de
facteurs qui minimisent la possibilité de générer des conflits entre les revendications.
Dans cette perspective, la conduite objectivement manifestée, qui reflète la plupart
du temps l'intention subjective, propose un bien meilleur fondement pour l'obligation
contractuelle que ce que permettent les intentions subjectives »52.
507. - Notons que la description de la théorie objective du consentement
par le professeur Barnett ressemble bien plus à notre théorie de l'accord apparent
des volontés qu'à une théorie véritablement objective. Pour lui en effet, on exclut
la théorie subjective lorsqu'une personne veut faire prévaloir sa volonté interne
sur ce qu'elle a manifesté et que l'autre partie n'avait aucune possibilité de déterminer cette volonté interne qui était restée dans le for intérieur de la première.
Il souhaite dès lors protéger l'attente suscitée par la promesse de l'autre partie.
En  d'autres termes, il part d'une constatation très similaire à la nôtre : nous
n'avons accès qu'à la volonté manifestée mais nous savons pertinemment que
cette manifestation n'emporte pas toute la volonté du sujet53. Cela explique d'ailleurs qu'il décrive la torsion subjective (subjective twist54) avec autant d'attention
dans son livre d'introduction au droit des contrats : la torsion subjective est possible parce qu'elle a été manifestée, parce qu'elle est objective ou plutôt, pour être
52. Randy E. BARNETT, « A consent theory of contract », loc. cit., p. 303‑304. : « The function
of a rights theory is to define the boundaries of permitted human action and resolve competing
claims. A coherent rights theory will, therefore, allocate rights largely on the basis of factors that
minimize the likelihood of generating conflicting claims. In this regard, objectively manifested
conduct, which usually reflects subjective intent, provides a far sounder basis for contractual obligation
than do subjectively held intentions. »
53. Ibid., p. 308.
54. Ibid., p. 68.

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