Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 67

L'approche française : la théorie subjective objectivée

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juges du fond. En d'autres termes, le principe est que, d'une part, il revient aux
juges du fond d'interpréter la convention pour déterminer si l'obscurité des
clauses et la complexité du contrat empêchaient la personne de savoir ce à quoi -
et non pas sur quoi, ce qui relève de l'objet - elle contractait (cela confirme également le grief de dénaturation). D'autre part, et c'est ce qui nous intéresse tout
particulièrement ici, l'erreur sur la nature de la convention exclut qu'il y ait eu
consentement, c'est-à-dire que le consentement est inexistant. En d'autres termes,
la Cour de cassation semble confirmer en filigrane ce que présente la doctrine
française : lorsqu'il y a malentendu, il ne peut pas y avoir consentement, c'est-àdire qu'il n'y a pas eu rencontre des volontés. En toute rigueur, l'inexistence du
contrat devrait donc être déclarée. Il n'en est pourtant rien ici.
63. - On retrouve un même manque de clarté dans certains contrats proposés par des établissements financiers dans les années 1950 : le 18 juillet 1956, la
chambre commerciale de la Cour de cassation22 a rendu un arrêt relatif à l'erreur
sur la nature du contrat de prêt. En l'espèce, un homme signe avec la « Compagnie parisienne de Crédit immobilier et commercial » quinze contrats aux termes
de chacun desquels il s'engage à verser immédiatement une certaine somme pour
droit d'adhésion et frais ainsi qu'à  120 mensualités ininterrompues de chacune
1 200  francs. En contrepartie, la société s'engage à verser 100 000  francs pour
chacun des contrats « avant le centième mois qui suivrait le versement de la première mensualité, mais sans que la date d'obtention des fonds ne soit précisée, celleci étant fonction de l'importance des versements des autres souscripteurs ». La Cour
d'appel de Caen juge le 7  décembre 1951 que le contrat doit être écarté car le
souscripteur a été « séduit par une publicité trompeuse dissimulant aux emprunteurs
éventuels la clause selon laquelle les prêts consentis étaient des prêts à terme différé », et que le contrat était particulièrement difficile à comprendre : « le contrattype lui-même imprimé en six colonnes et rédigé en termes intentionnellement vagues
et imprécis démontre la volonté de la Compagnie Parisienne de dissimuler la véritable nature du contrat », le terme différé n'apparaissant nulle part et les mentions
de l'en-tête du contrat étant « volontairement inexactes : "ouverture de crédit à long
terme" ». Les juges du fond considèrent alors que le contrat, au vu de sa rédaction
vague et trompeuse, « met les souscripteurs peu avertis auxquels s'adresse ordinairement ce genre de contrat, dans l'impossibilité d'apercevoir que pendant un délai qui
pourra atteindre 100 mois ils ne toucheraient de la Compagnie aucun capital ». La
Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que la Cour d'appel a montré, par
ses constatations, que le souscripteur avait fait une erreur. Ici aussi, il n'y aurait
pas eu consentement car le client croyait souscrire à un prêt à terme lui permettant d'obtenir immédiatement les sommes visées. Ainsi, les volontés ne se sont pas
rencontrées et, en toute rigueur, le contrat devrait être déclaré inexistant. Pourtant, nous le verrons, c'est bien la nullité qui a été prononcée.
b)	 L'erreur-obstacle due à la complexité de l'opération contractuelle
64. - L'erreur-obstacle peut également résulter de la complexité d'une opération contractuelle plus globale.
C'est ce que semble montrer l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour
de cassation du 18 mars 198023. En l'espèce, deux ventes étaient pensées par les
22. Com. 18 juillet 1956, Bull. civ. III, n°220, p. 188.
23. Civ. 3e 18 mars 1980, Bull. civ. III, n°65, p. 46.

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