Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 70

LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

l'opération projetée qui provoque l'erreur-obstacle, mais bien plutôt une incompréhension fondamentale des parties sur l'objet visé par leurs volontés. L'erreur est
alors tellement importante qu'il ne s'agit pas de comparer les qualités attendues
par le cocontractant et les qualités réelles de la prestation, comme pour l'erreur
cause de nullité du contrat de l'article 1132 du Code civil (ancien article 1110
notamment). En effet, le problème est antérieur : il n'y a rien de commun, les
volontés ne se sont pas rencontrées. Il ne peut pas y avoir décalage entre ce qui a
déterminé le consentement et la réalité de l'objet. En d'autres termes, pour qu'il y
ait erreur sur les qualités de l'objet (de la prestation aujourd'hui), encore faudraitil qu'il y ait au moins un objet commun (une prestation commune), c'est-à-dire un
objet commun visé par les parties au contrat, ce qui n'est pas le cas pour l'erreurobstacle : l'objet visé par l'un n'étant pas le même que l'objet visé par l'autre.
Alors que pour l'erreur-vice du consentement, il y aurait une différence dans
l'appréciation des qualités de l'objet : l'objet visé par les parties serait bien le
même, mais une partie s'attendait à une qualité particulière qui se révèle absente.
Cependant, et cela nous mènera à considérer que l'erreur-obstacle est en réalité de
même nature que l'erreur-vice du consentement, lorsque l'erreur-vice du consentement est unilatérale, il n'y a pas eu véritablement rencontre des volontés puisque
les représentations de l'objet visé divergeaient.
67. - Dans tous les cas, comme pour l'erreur-obstacle sur la nature du
contrat, on retrouve plusieurs cas typiques de l'erreur-obstacle sur l'objet du
contrat que l'on peut essayer de regrouper en deux catégories. Plus précisément,
certaines erreurs-obstacles portent sur le prix ou l'unité monétaire (1). Par exclusion, d'autres erreurs portent sur un objet autre (2).
1. L'erreur-obstacle sur le prix ou l'unité monétaire
68. - Nous nous intéresserons d'abord à l'erreur-obstacle sur le prix (a)
avant de présenter l'erreur-obstacle sur l'unité monétaire (b).
a) L'erreur-obstacle sur le prix
69. - L'erreur sur le prix a régulièrement été considérée comme une erreur
faisant obstacle à la rencontre des consentements.
Une mauvaise lecture du prix inscrit sur un bon de commande peut notamment empêcher la rencontre des consentements. C'est ce qu'a jugé la Cour d'appel
de Nancy dans un arrêt en date du 22 janvier 198627. En l'espèce, un artisan ramoneur envoie un bon de commande de 2000 stylos publicitaires à une société. Il
croit lire que le prix sera de 850 francs pour 1 000 stylos, mais se rend compte que
la virgule est placée différemment de ce qu'il pensait et que cela lui coûtera en
réalité 8 500 francs. Comprenant sa méprise, il se rétracte immédiatement et
envoie une lettre recommandée avec accusé de réception au fabricant qui parvient
avant même l'acceptation initiale. La Cour juge alors qu'il y a eu absence de
consentement. Mais c'est bien (selon nous à juste titre) la nullité, en l'espèce la
nullité absolue pour absence d'un élément essentiel du contrat (l'arrêt semble
donc appliquer la théorie classique des nullités), qui est prononcée et non pas
l'inexistence qui est déclarée.
70. - Dans une affaire similaire, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel qui
n'avait pas recherché si un « malentendu fondamental » entre les parties n'était pas
27. Nancy, Ch. 2, 22 janvier 1986, Numéro Jurisdata : 1986-041582.

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