Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 85

L'approche française : la théorie subjective objectivée

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En réalité, dans les cas d'erreurs-vice du consentement unilatérales (notamment les erreurs sur les qualités substantielles ou essentielles de l'objet), les volontés
ne se sont pas non plus véritablement rencontrées, et l'on considère pourtant que le
contrat existe. Reprenons le fameux exemple de Pothier86 quant à l'erreur sur les
qualités substantielles de la chose : « voulant acheter une paire de chandeliers
d'argent, j'achète de vous une paire de chandeliers que vous me présentez à vendre,
que je prends pour des chandeliers d'argent, quoiqu'ils ne soient que de cuivre
argenté ; quand même vous n'auriez eu aucun dessein de me tromper, étant dans la
même erreur que moi, la convention sera nulle, parce que l'erreur dans laquelle j'ai
été détruit mon consentement ; car la chose que j'ai voulu acheter est une paire de
chandeliers d'argent ; ceux que vous m'avez présentés à vendre étant les chandeliers,
de cuivre, on ne peut pas dire que ce soit la chose que j'ai voulu acheter ».
Pothier affirme au moins deux propositions qui nous intéressent particulièrement ici :
-  L'erreur détruit le consentement, ce qui implique que la convention est
nulle87 ;
-  Les parties ne se sont pas accordées sur la même chose puisqu'une des parties pensait que les chandeliers étaient d'argent alors qu'ils étaient de cuivre
argenté, sauf à ce que les deux cocontractants aient été dans la même erreur
(« quand même vous n'auriez eu aucun dessein de me tromper, étant dans la même
erreur que moi ») : dans ce cas les volontés s'accordent bien, mais sur un objet qui
n'existe pas en réalité. Nous y reviendrons.
Alors même que l'erreur sur les qualités substantielles de la chose, qui relève
de l'erreur-vice du consentement visée à l'ancien article 1110 du Code civil (nouvel article  1132), présuppose que le contrat existe avant qu'il ne soit annulé,
Pothier affirme que les volontés ne se sont pas véritablement rencontrées puisque
l'une des parties visait une chose qui n'existe pas (des chandeliers en argent). En
d'autres termes, si Primus croit qu'il achète des chandeliers d'argent, alors que
Secundus sait lui vendre des chandeliers de cuivre, leurs volontés ne s'accordent
pas puisque l'un pense acheter un objet avec des qualités particulières que l'autre
sait qu'il n'a pas. Mais ce que Primus croit, et ce que Secundus sait, sont inconnus
l'un de l'autre. Par exemple, Primus dirait : « J'aimerais acheter ces chandeliers
pour 200 euros » et Secundus répondrait : « C'est vendu ! ». Ici, il n'y a en rien
accord des volontés sur un même objet juridique. Le seul accord est alors celui
portant sur ces chandeliers particuliers, ces objets individués, que les deux parties
visent lorsqu'elles contractent. Il y a donc une apparence d'accord permettant de
considérer que le contrat existe, bien que les volontés ne se soient pas accordées
sur un objet commun. C'est toute la force des vices d'erreur et de dol qui donnent
la possibilité à une partie de sortir d'un contrat qu'elle n'a pas véritablement
voulu, soit qu'elle se soit trompée, soit qu'elle ait été trompée. Dans cette perspective, le principe est que toute erreur empêche la rencontre des volontés (internes) sur
un objet juridique commun puisque les parties, à chaque fois, visaient des objets
distincts. En cela, Pothier peut dire que l'erreur détruit le consentement : la
volonté de la personne a bien existé mais ce consentement s'écroule lorsque
86. André-Jean ARNAUD, Les origines doctrinales du Code civil français, Préf. M. Villey., Paris,
France, LGDJ, 1969, p. 208 : « Notre Code civil a consacré la doctrine de Pothier sur ces points dans
les articles 1109-1110 (erreur) [...]. »
87. Ce qui est repris par les exégètes du Code civil. Voir Delvincourt par exemple.

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