Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 154 - Des gouvernements sous le regard de leur parlement - 274

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DES GOUVERNEMENTS SOUS LE REGARD DE LEUR PARLEMENT

522.  Si théoriquement, les partis traditionnels de gauche peuvent devenir
critiques à l'égard des migrants sous l'influence d'un discours anti-immigration développé par les partis de droite138, les chiffres agrégés du débat sur la
réforme de la gouvernance de Schengen montrent que les partis de gauche ont
mobilisé très peu d'arguments en faveur de l'ordre public et de la sécurité intérieure (12 % en France et 10 % en Italie contre 71 % en France et 56 % en Italie
des arguments des partis de droite). Néanmoins, le choix des groupes d'opposition de gauche à l'Assemblée nationale de délaisser le travail en commission
et de se concentrer seulement sur un contrôle public de critique du gouvernement (chapitre 2 du titre III) a fait triompher dans la position finale de l'Assemblée nationale le cadrage sécuritaire et nationaliste des groupes de centre
droit.  La logique institutionnelle du système majoritaire et la faiblesse politique des partis de gauche concernant les thèmes d'immigration et de sécurité
intérieure ont rendu difficile une modification de la substance de la position
finale exprimée par l'Assemblée nationale. Dans le même sens, bien que nous
retrouvions dans le discours des groupes de centre gauche en Italie des arguments en faveur de la protection des droits et des libertés fondamentales, l'attitude stratégique du parlement italien a fait que les groupes de centre gauche
adoptent aussi le discours sécuritaire de la droite en demandant par exemple
l'introduction des systèmes d'identification pour les citoyens européens139.
Cette proposition fut initialement à l'initiative de la Lega Nord. Le cadrage
choisi par les membres de l'UMP et de la coalition PdL, LN, MpA révèle qu'indépendamment du type de gouvernance de Schengen souhaitée, les réponses au
problème de l'immigration, notamment en relation avec la notion d'ordre
public, apparaissent plus crédibles dans les programmes politiques et dans les
discours de la droite. Cela leur permet de les aborder facilement dans la
confrontation politique avec la gauche140.
B. LA CAPACITÉ DE LA DROITE À SÉCURITISER LE DÉBAT
QUAND LA GAUCHE EST AU GOUVERNEMENT
523.  À l'exemple des débats concernant la réforme de la gouvernance
- chengen, le thème des libertés publiques et des droits de l'homme demeure une
S
ressource essentielle des partis de gauche pour exprimer leur clivage face aux partis de droite et d'extrême droite. La ligne « Valeurs fondamentales » du tableau 6.6
rapporte 32 % des arguments du groupe socialiste en faveur de la défense des
valeurs fondamentales, contre seulement 14,3 % des arguments des groupes centristes et de droite. Bien que des références aux droits de l'homme comme valeur
universelle apparaissent dans le discours des parlementaires socialistes, les droits
de l'homme sont généralement conçus « comme des droits du citoyen dans ses
relations à la puissance publique » et « face aux institutions répressives de
l'État »141. Ainsi, la part que la défense de l'accord de Schengen comme des
accords qui assurent les libertés publiques  -  liberté de circulation, protection
des données personnelles, droit d'asile  - est légèrement plus importante que les
arguments en faveur des droits de l'homme.
138. Alonso et Fonseca, 3.
139. Mauro Maria Marino (PD), Italie, Resoconto sommario n. 338.
140. Alonso et Fonseca, 3.
141. Agrikoloansky, 528.

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