Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 143

Les règles de répartition des pouvoirs

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femme, qui a opté pour l'usufruit de la totalité de la succession, et ses trois enfants,
nus propriétaires en indivision. L'un d'eux ayant assigné les autres en partage, la
Cour d'appel a décidé que les sommes issues de la distribution des réserves
devaient revenir aux seuls nus propriétaires et les a donc intégrées à la masse à
partager. L'un des enfants a formé un pourvoi en cassation, soutenant que les
réserves distribuées constituaient des fruits devant revenir en pleine propriété à
l'usufruitier. La question posée à la Cour de cassation portait donc on ne peut
plus clairement sur la nature juridique des réserves distribuées. Dans son attendu,
la Première chambre civile opte indéniablement pour l'assimilation de ces sommes
à des produits, puisqu'elle refuse leur attribution à la veuve usufruitière. Sous ce
rapport, la solution s'accorde avec la position précédemment adoptée par la
Chambre commerciale, mais elle s'en sépare en ce que la Première chambre civile
décide que l'usufruitier n'a « aucun droit », et donc pas même un quasi-usufruit,
sur les réserves distribuées. Tel est en tout cas le sens qui paraît se dégager de
l'attendu, selon lequel « si l'usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun
droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire »135. De sorte
que « la cour d'appel en a déduit à bon droit que les fonds provenant de la distribution des réserves constituées par la société Kesa France devaient bénéficier aux
seuls nus propriétaires et figurer à l'actif de l'indivision successorale »136.
197. Controverse - Contestant cette analyse, une partie de la doctrine a fait
valoir que la solution de la Première chambre civile de la Cour de cassation avait
été mal interprétée et ne serait finalement pas si éloignée de celle de la Chambre
commerciale. Un auteur relève ainsi qu'« il n'apparaît pas que l'arrêt rendu le
22 juin 2016 remette en cause la possibilité, pour l'usufruitier, de bénéficier d'un
quasi-usufruit sur les dividendes prélevés sur les réserves »137. Selon ce dernier, la
question posée à la Cour de cassation ne portait que sur la composition de la
masse à partager, autrement dit, sur le fait de savoir si l'usufruitier était propriétaire des sommes distribuées, auquel cas ces dernières devaient être exclues de
l'indivision successorale. Or, pour répondre à cette question, il suffisait de déterminer la qualification des réserves distribuées en tant que fruit ou en tant que
produit et « il n'était donc pas utile de déterminer si l'usufruitier bénéficiait ou
non d'un droit de jouissance sur les dividendes prélevés sur les réserves »138.
Une telle approche paraît cependant contestable. Le vocabulaire employé par
l'arrêt laisse en effet peu de place au doute, l'attendu prenant soin de préciser que
les réserves revenaient au seul nu-propriétaire, l'usufruitier n'ayant « aucun
droit » sur ces bénéfices139. En outre, la Première chambre civile connaissait la
position de la Chambre commerciale avant de rendre son arrêt. Dès lors, on voit
mal pourquoi elle prendrait soin de préciser que l'usufruitier ne dispose d'aucun
droit sur les sommes en question si elle considère en réalité que ce dernier bénéficie d'un quasi-usufruit sur les distributions de réserves. Bien au contraire, on peut
135. Cass. 1re civ., 22 juin 2016, nos 15-19.471, 15-19.516.
136. Cass. 1re civ., 22 juin 2016, nos 15-19.471, 15-19.516.
137. C. BARRILLON, « L'usufruitier peut-il encore exercer un droit de jouissance sur les
réserves mises en distribution ? », Gaz. Pal. 13 sept. 2016, n° 31.
138. C. BARRILLON, « L'usufruitier peut-il encore exercer un droit de jouissance sur les
réserves mises en distribution ? », op. cit., n° 31. Dans le même sens, v. F. DEBOISSY et G. WICKER,
JCP E 2017, n° 8, pp. 22-23.
139.
C.
DONZEL-TABOUCOU, «
Usufruit et réserves distribuées
: le point de vue
(partiellement discutable) de la Première Chambre civile », Rev. sociétés 2016. p. 531 et s.

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