Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 148

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L'USUFRUIT ATYPIQUE

Il en va de même s'agissant du compte spécifique que constitue le report à
nouveau. Cette technique « consiste à différer jusqu'à l'exercice suivant la décision portant sur le sort des bénéfices »163. Les auteurs considèrent alors que « les
conditions de sa création, d'abord, puis de sa mise en distribution, révèlent la
volonté des associés de faire des fonds [affectés à ce compte d'attente], des revenus
pour les associés »164. Il s'ensuit, là encore, que la distribution de ces sommes
s'analyse en une répartition de dividendes et donc une constitution de fruits165.
Ces deux exemples sont riches d'enseignements quant à la nature juridique des
réserves. Certes, l'absence de volonté de capitalisation découle ici de la particularité
des comptes, créés pour accueillir une somme en attente d'affectation. Néanmoins, on
peut se demander si la mise en réserves ne relève pas, de manière générale, des mêmes
ressorts psychologiques que le placement des bénéfices dans un compte d'attente.
Autrement dit, on pourrait penser que loin d'exprimer une volonté de capitalisation
irréversible, les réserves traduisent la volonté de « bloquer » temporairement certaines
sommes, que les associés peuvent décider à tout moment de se répartir. La volonté de
capitalisation n'étant pas caractérisée, ne reste que la volonté de distribution qui permet, quant à elle, de considérer les sommes distribuées comme des fruits.
Au regard de ces éléments, il paraît impossible d'assimiler les réserves distribuées à des produits par destination, de sorte que leur attribution au nu-propriétaire n'apparaît plus justifiée. Pourraient-elles alors être considérées comme des
produits par nature ? On peut en douter, dans la mesure où les distributions de
réserves ne semblent pas affecter la substance des droits d'associé.
b) Absence d'altération de la substance des droits sociaux
204. Substance et valeur d'échange - Contrairement à ce que soutient la
doctrine majoritaire, la distribution de dividendes prélevés sur les réserves n'altère
en rien la substance des droits sociaux. Une telle affirmation peut sembler surprenante, notamment si l'on adopte une conception large de la substance des parts et
actions. En effet, l'on peut tout d'abord considérer la substance des droits sociaux
comme leur valeur d'échange, c'est-à-dire comme la valeur qu'ils représentent sur
le marché, dans le cadre d'une éventuelle cession. La valeur vénale d'une part
sociale dépend notamment de celle des capitaux propres de la société, dont font
partie les réserves. Dans cette hypothèse, il faut bien admettre que « la diminution
du montant des réserves conséquemment à leur mise en distribution affecte nécessairement à la baisse la valeur d'échange des titres sociaux et donc - puisque le
postulat de départ est que celle-ci participe de la substance même des biens -
attente à leur substance »166. Pourtant, l'argument est loin d'être convaincant. Comme l'écrit Monsieur Dross, il « prouve trop »167. Le résultat d'un exercice participe en effet, au même titre que le montant des réserves, à la valeur
d'échange du titre social168, de sorte que « sa distribution affecte sa substance
163. F. ZENATI, « Usufruit des droits sociaux », Rép. sociétés, n° 359.
164. A. COLOMER, « Réserves des sociétés et régimes matrimoniaux communautaires »,
op. cit., n° 17.
165. F. ZENATI, « Usufruit des droits sociaux », Rép. sociétés, n° 359.
166. W. DROSS, note ss Cass. com., 7 mai 2015, RTD civ. 2015, p. 658.
167. W. DROSS, note ss Cass. com., 7 mai 2015, op. cit., p. 658.
168. W. DROSS, note ss Cass. com., 7 mai 2015, op. cit., p. 658 : « Le prix de cession des parts
d'une société qui a réalisé un bénéfice de plusieurs millions d'euros dont l'affectation n'a pas encore
été décidée par l'assemblée générale tiendra évidemment compte de ce résultat ».

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