Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 154

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L'USUFRUIT ATYPIQUE

cependant mal comment l'écran d'une universalité de fait pourrait transformer les
plus-values des titres pris ut singuli, qui sont juridiquement des produits ou tout
du moins un capital, en fruits du portefeuille de valeurs mobilières. Comme le
relèvent Madame Naudin et Monsieur Iwanesko, les plus-values du portefeuille et
celles des titres pris individuellement sont « les mêmes gains »205 et ont donc
nécessairement la même nature. Ils ne sont donc pas détachables du portefeuille
et ne constituent aucunement des fruits206.
Au regard de ces éléments, le fait que les titres de capitalisation soient compris
dans un portefeuille de valeurs mobilières ne modifie en rien la situation de l'usufruitier, qui ne peut pas bénéficier des plus-values de cession. Les juges décident au
contraire que l'usufruitier est tenu de réinvestir l'ensemble des plus-values de cession au sein du portefeuille, sauf à porter atteinte à la substance de ce dernier207.
211.  Insuffisances des solutions conventionnelles - Conscients des carences du
droit positif, certains auteurs proposent en conséquence d'écarter les produits de
capitalisation de l'assiette de l'usufruit.  Ainsi, on conseille tantôt au disposant
d'exclure les produits de capitalisation de la libéralité208, tantôt au conjoint survivant, en cas de dévolution légale, de ne pas opter pour la totalité des biens en
usufruit209. Il n'est cependant pas difficile de saisir combien ces solutions sont
insatisfaisantes, puisqu'elles ne résolvent le problème qu'en le niant.
Une autre solution consiste à recourir à des aménagements conventionnels.
À cet égard, il a tout d'abord été suggéré que les nus propriétaires cèdent les titres
de capitalisation afin d'en reverser le profit à l'usufruitier. Les titres seraient ainsi
transmis à concurrence de la plus-value - ce qui fournirait « des fruits à l'usufruitier tout en maintenant intact le capital dont est titulaire le nu-propriétaire »210 -
ou en totalité, le produit de la vente se répartissant alors entre usufruitier et nupropriétaire en fonction de la valeur respective de leurs droits211. Même issue d'un
accord entre les parties, une telle solution présente néanmoins les mêmes inconvénients fiscaux que ceux précédemment signalés212.
même sens, certains auteurs estiment que les plus-values de cession pourraient être considérées comme
des fruits par la volonté, dans la mesure où la gestion des titres au sein d'un portefeuille de valeurs
mobilières peut être interprétée comme la volonté pour son titulaire d'en tirer des revenus (sur ce
point, v. par exemple D. FIORINA, « L'obligation pour l'usufruitier d'un portefeuille de titres d'en
conserver la substance (à propos de CA Toulouse, 15  mai 2000) », Dr. famille 2001, chron. 25,
spéc. n° 9).
205. E. NAUDIN et M. IWANESKO, « Portefeuille démembré : détention directe ou en société
civile ? », JCP N 2011, 1315, n° 10.
206. V. sur ce point M. STORCK, « La propriété d'un portefeuille de valeurs mobilières », in :
Études offertes à Pierre Catala, Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Litec 2001, p. 705.
207. CA Pau du 13 janvier 2009 (n° 146/09).
208. J.-P.  CHOISNE, « Usufruit et capitalisation », op.  cit., p.  679 : l'auteur propose ici la
rédaction d'une clause type prévoyant l'exclusion des titres de capitalisation de la libéralité en
contrepartie de l'engagement des héritiers de verser au donataire « un revenu régulier correspondant
au revenu qu'auraient ces actifs financiers si ce dernier était distribué ».
209. J.-P. CHOISNE, « Usufruit et capitalisation », op. cit., p. 678 : « Le survivant pourra éviter
d'être usufruitier en choisissant d'opter pour une fraction en propriété ».
210. J. LE CALVEZ, « L'usufruit des valeurs mobilières de capitalisation (ou les bois taillis du
XXe siècle) », op. cit., p. 126.
211. C. civ., art. 621 alinéa 1er : « En cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété
d'un bien, le prix se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de
ces droits, sauf accord des parties pour reporter l'usufruit sur le prix ».
212. V. supra n° 209.

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