Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 335

La redistribution des pouvoirs

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l'usufruitier de droits intellectuels, est particulièrement sévère pour le propriétaire123. Dès lors, on pourrait envisager de limiter l'opposabilité de tous les contrats
d'exploitation non-exclusifs passés par l'usufruitier de droits intellectuels124. Cela
permettrait de simplifier considérablement le régime de l'usufruit en la matière.
Plus précisément, il ne serait plus nécessaire de rechercher la durée ou l'ampleur à
partir de laquelle un contrat non exclusif porte atteinte aux utilités essentielles des
droits intellectuels, la protection des droits du propriétaire étant assurée par la
limitation de leur effet dans le temps. Les intérêts des deux parties seraient alors
préservés, l'usufruitier conservant la liberté de conclure un contrat d'exploitation
exclusive sans pour autant mettre en péril les droits du propriétaire125.
500. Durée de l'opposabilité des contrats - Reste à savoir comment fixer la
durée de l'opposabilité des contrats d'exploitation non exclusifs conclus par l'usufruitier. Une telle intervention relève du législateur126. Néanmoins, plusieurs
-suggestions doctrinales peuvent être présentées. Monsieur Laronze propose de
retenir une durée de trois ans, applicable quel que soit le droit intellectuel en cause.
Comme le relève l'auteur, un tel délai « laisserait le temps au cessionnaire de discuter d'un éventuel renouvellement de son contrat avec son nouvel interlocuteur »127. Si elle a l'avantage de l'uniformité, cette durée peut s'avérer trop courte.
Notamment, il peut sembler surprenant de limiter l'opposabilité de contrats non
exclusifs - qui ménagent certaines possibilités d'exploitation au propriétaire - à
une durée inférieure à celle retenue en matière de bail, sachant qu'en cette dernière hypothèse, le propriétaire est totalement privé de l'accès au bien.
Dès lors, il serait peut-être préférable de distinguer selon la durée des droits
intellectuels. Monsieur Kilgus propose ainsi de retenir une durée de neuf ans pour
l'opposabilité des contrats passés sur les droits d'auteur ou sur les marques, dont
la durée de protection est relativement longue128. Inspirée du droit des baux, cette
durée permettrait notamment au cessionnaire d'amortir les investissements réalisés pour développer la marque ou diffuser l'œuvre concernée129. S'agissant des
brevets et dessins et modèles, dont la durée de protection est plus courte, le délai
de trois ans pourrait au contraire être maintenu130.
501. Limites du critère choisi - Comme il peut être constaté, l'application de
correctifs permet d'assouplir la répartition des pouvoirs au sein de l'usufruit des
droits intellectuels. En somme, l'usufruitier devrait être autorisé à conclure tous
les contrats d'exploitation, licences et cessions confondues, mais avec l'accord du
propriétaire pour les contrats d'exploitation exclusive et sous réserve d'une opposabilité limitée pour les contrats d'exploitation non-exclusive.
123. V. supra n° 320 et les développements sur l'arrêt Goscinny, Cass. 1re civ., 6 juillet 2000,
n° 98-12.825, précité.
124. En ce sens, v. Chr. ALLEAUME, « Astérix à la Cour de cassation ou l'usufruit spécial du
conjoint survivant sur le droit d'exploitation de l'auteur défunt », Dr. famille 2001, chron. 6, n° 13 : « Ne
pourrait-on pas limiter dans le temps les effets des actes conclus par l'usufruitier ? Au moins lorsque ces
actes sont à exécution successive. Cette solution pourrait s'inspirer des règles de l'article 595 du Code civil ».
125. Chr. ALLEAUME, Ibid.
126. Chr. ALLEAUME, Ibid.
127. B. LARONZE, L'usufruit des droits de propriété intellectuelle, thèse préc., n° 529, p. 233.
128. Rappelons qu'en droit d'auteur, la durée de protection est de soixante-dix ans à compter du
décès de l'auteur (CPI., art. L. 123-1). S'agissant du droit des marques, la protection est accordée pour
dix ans mais indéfiniment renouvelable (CPI., art. L. 712-1 al. 2).
129. N. KILGUS, L'usufruit des biens incorporels, thèse préc., n° 620, p. 554.
130. N. KILGUS, Ibid.

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