Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 357

La protection des parties

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d'agrément de l'usufruitier, qui le prive de toute intervention dans la société8,
réduit son droit à néant. Dans le même ordre idée, le devoir d'abstention paraît
interdire à l'associé de voter en faveur « d'une modification statutaire destinée à
augmenter la capacité d'autofinancement de la société »9 ou en faveur de la dissolution de la société10 et plus largement, de prendre part à toute décision préjudiciable à l'usufruitier. De ce point de vue, il semble assurer une certaine protection
des droits de ce dernier.
Au vu de ses avantages, l'article 599 du Code civil est parfois regardé comme la
solution idéale à l'absence d'obligations du propriétaire. Selon une certaine opinion, ce texte imposerait indirectement des obligations positives au propriétaire.
Ainsi, c'est sur ce fondement que la Commission des opérations de bourse a considéré que le « propriétaire » de titres de capitalisation pouvait être contraint à se
retirer d'une SICAV11. De même, Monsieur Zénati soutient que l'article  599 du
Code civil pourrait obliger l'associé dont les titres sont grevés d'usufruit à certaines
prestations positives. Notamment, l'auteur estime qu'en cas de refus d'agrément de
l'usufruitier par la société, le « nu-propriétaire » « devrait être astreint a remettre a
l'usufruitier une chose qui tiendrait lieu de celle sur laquelle le droit d'usufruit ne
parvient pas a s'exercer »12. Autrement dit, sauf à manquer aux exigences de l'article 599 du Code civil, l'associé serait contraint de céder ses droits afin de permettre
à l'usufruit de se reporter sur les sommes acquises en contrepartie13.
535.  Limites de l'« obligation » négative du propriétaire - Une telle analyse
est cependant contestable. En effet, dans la mesure où il n'est pas une véritable
obligation mais une manifestation de l'opposabilité du droit d'usufruit, le devoir
d'abstention du nu-propriétaire ne saurait le contraindre à effectuer une action
positive en faveur de l'usufruitier. Telle est en tout cas l'opinion de la majorité de
la doctrine14. La jurisprudence est également depuis longtemps en ce sens. C'est
ainsi que, pour rejeter l'obligation aux grosses réparations du propriétaire, la
Chambre des requêtes a très tôt considéré que ce dernier n'était tenu que d'une
obligation de ne pas faire15. Cette conception est d'ailleurs confirmée par l'une
des rares décisions ayant fait application de l'article 599 du Code civil à l'usufruit
des droits sociaux16. Dans cette affaire, un père avait fait donation de la nue-propriété d'actions à ses deux enfants. Quelques années plus tard, ces derniers ont
refusé de voter la prorogation de la société. Considérant qu'une telle décision
mettait ses droits en péril, l'usufruitier a demandé la révocation de la donation
8. F. ZENATI, « Usufruit des droits sociaux », Rép.  sociétés, n°  142 : « Faute de pouvoir
percevoir par lui-même les sommes dues par la société a l'associé, faute d'être admis a participer a
l'administration des biens de la société, l'usufruitier voit son droit paralysé ».
9. R. KADDOUCH, « L'usufruit des droits sociaux, technique de transfert du droit de vote »,
op. cit., n° 189 s.
10. P. LE CANNU, note sous Cass. 1re civ., 8 mars 1988, Defrénois 1988, art. 34373 ; F. ZENATI,
« Usufruit des droits sociaux », Rép. sociétés, n° 413.
11. V. supra n° 209.
12. F. ZENATI, Ibid. 
13. V. cependant contra N. KILGUS, L'usufruit des biens incorporels, thèse préc., n° 245 et s.
14. V., qualifiant l'obligation du nu-propriétaire d'une obligation de ne pas faire, F. TERRE et
P. SIMLER, Droit civil, Les biens, op. cit., n° 837, p. 751 ; P. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil,
Les biens, op.  cit., n°  808. Rappr.  A. RIEG, « Usufruit », Rép.  civ.  n°  430 : l'auteur indique que
l'usufruit se caractérise en principe par une absence d'obligation de faire pesant sur le propriétaire.
15. Cass. ch. req., 10 déc. 1900  : DP 1901, I, p. 209, note L.  Guénée  ; F.  TERRE et Y.  LEQUETTE,
Les grand arrêts de la jurisprudence civile, t. 1, Dalloz, 12e éd., 2007, n° 75.
16. Cass. 1re civ., 8 mars 1988, Bull. civ. I, n° 67, Defrénois 1988, art. 34373, note Le Cannu.

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