Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 144

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

l'immatriculation - période dite constitutive -, il s'écoule un temps plus ou moins
long au cours duquel la société a besoin de consentir à un certain nombre d'actes
pour commencer son activité : conclusion d'un bail, acquisition de matériel,
ouverture d'un compte bancaire, souscription d'un emprunt... Or, naturellement,
« en l'absence de personnalité morale, la société en formation ne peut s'engager en
tant que personne juridique »44. Anticipant la directive du 9 mars 196845, le législateur français a répondu à ce besoin concret des sociétés en formation en instituant une possibilité de reprise des engagements46. Le propre de cette reprise est
de substituer rétroactivement la société aux signataires initiaux de l'engagement. Autrement dit, dès lors que les conditions de fond et de forme posées par la
loi ont été respectées, la société immatriculée sera considérée comme s'étant engagée dès l'origine, ab initio, en lieu et place du signataire de l'acte qui aura consenti
« pour le compte » de la société en formation. Cette faculté de reprise des engagements d'une société en formation est une manifestation éclatante du caractère
formel du consentement de la personne morale47 : le consentement de la société
peut en effet être exprimé avant même que la personnalité juridique ne lui ait été
reconnue48. Les décisions des associés doivent alors être prises à l'unanimité pour
engager la société en formation à l'égard des tiers et permettre la reprise de ces
engagements par la société immatriculée49. Les associés ont le choix entre plusieurs modalités de reprise, lesquelles n'échappent pas à un lourd formalisme,
contrôlé avec rigueur par la Cour de cassation.
201.  Le premier mode de reprise consiste à rédiger un état des actes et à l'annexer aux statuts50. Afin de permettre aux associés d'exprimer un consentement
éclairé sur cette reprise lors de la signature des statuts, la Cour de cassation exige que
l'annexe permette d'identifier précisément ces engagements51. Dès lors que les statuts
sont signés, et donc que les associés ont consenti à la reprise des actes indiqués, l'immatriculation emporte reprise automatique des engagements par la société.
202.  L'article  6, alinéa  3, du décret du 3  juillet  1978 prévoit un deuxième
mode de reprise : la possibilité offerte aux associés de consentir un mandat « à
44. P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des sociétés, op. cit., n° 37.
45. Art. 7 de la directive 68/151/CEE du 9 mars 1968.
46. D.  BASTIAN, « La situation des sociétés commerciales avant leur immatriculation au
registre du commerce », in Mél. H. Cabrillac, Litec, 1968, p. 23 ; M. DRAGOT, « Un texte contestable :
l'article  5 de la loi du 24  juillet  1966 sur les sociétés commerciales », D.  1974.241 ; P.  DIDIER,
« L'article  1843 du Code civil ou de la difficulté d'être européen », in Mél. P.  Drai, Dalloz, 2000,
p. 549 ; E. PAILLET, « L'activité de la société en formation », Rev. sociétés 1980, p. 419.
47. Les auteurs cherchent à expliquer ce mécanisme de reprise des engagements à travers les
concepts connus du droit civil sans jamais parvenir à une théorie pleinement satisfaisante. V. sur ce
point, M. GERMAIN et V. MAGNIER, Traité de droit des affaires, t. 2, Les sociétés commerciales,
op. cit., n° 1061. Ces recherches infructueuses conduisent à penser que le mécanisme de reprise ne se
fond dans aucun mécanisme connu du régime général des obligations. C'est le respect d'un processus
légal qui permet à une volonté purement formelle d'être imputée à la personne morale.
48. C. PRIETO, La société contractante, op. cit., n° 351 : « Bien que dépourvue de la personnalité
morale, [la société] peut donc faire valoir une volonté contractuelle propre à l'occasion de la conclusion
d'un contrat spécifique ».
49. Un débat doctrinal existe sur la possibilité pour les associés d'une société en formation de
décider à la majorité. V., en faveur de la possibilité d'adopter des décisions à la majorité, B. DONDERO,
Les groupements dépourvus de la personnalité juridique, op. cit., n° 47.
50. Article 6, alinéa 2, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ; article R. 210-5 et article 210-6 du
Code de commerce.
51. 
Cass.  com., 13  juill. 2010, n°  09-68142, Dr. sociétés, nov.  2010, comm.  196, note
M.-L. COQUELET ; BJS, nov. 2008, p. 882, note J.-F. BARBIERI.

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