Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 159

L'encadrement de la prise de décision

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Le « veto », pouvoir individuel qui s'exerce au sein d'un collège, est ici
entendu dans son sens le plus strict et doit être distingué de l'opposition. En effet,
l'opposition, que nous étudierons ensuite138, est un acte qui permet à un organe de
s'opposer à la prise de décision d'un autre organe. La distinction est essentielle,
d'abord car les régimes diffèrent, mais aussi parce que l'opposition ne soulève pas
les mêmes difficultés que le veto ni ne cristallise les mêmes enjeux.
231. En droit des sociétés, la réception du droit de veto s'est pendant longtemps heurtée à des obstacles dirimants qui n'ont pas été totalement levés. Le droit
de veto exercé au sein des assemblées d'associés des SARL, de SA et SCA, heurte
de front le principe de proportionnalité du droit de vote par rapport au capital
détenu (one share, one vote). Dans les sociétés par actions, ce principe n'a pas été
remis en cause par l'ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières puisque les droits attachés aux actions de préférence doivent respecter non
seulement l'article L. 225-122 du Code de commerce posant le principe de proportionnalité du droit de vote au capital détenu et l'article L. 225-123 donnant la possibilité de créer, dans des conditions strictement déterminées, des actions à droit de
vote double. La doctrine, considérant dans sa grande majorité qu'un droit de vote
plural octroyé par une action de préférence contreviendrait à ces deux textes139, analyse de même l'instauration d'un droit de veto. Celui-ci octroierait en effet à son
titulaire « un pouvoir d'exception délié de sa participation au capital »140. Cette première objection se double au demeurant d'une seconde qui tient au caractère
d'ordre public des règles de majorité dans les sociétés par actions141.
232. La réglementation impérative qui caractérise l'organisation des sociétés
par actions fait ainsi peser de sérieux doutes sur la licéité d'un droit de veto au sein
des assemblées d'actionnaires. Seul l'État peut s'assurer d'un droit de veto qu'il
s'arroge par la force de la loi. Dans les sociétés privatisées, il a conçu une action
spécifique (golden share142) lui offrant notamment un droit de veto sur les cessions
d'actifs ou de certains types d'actifs de la société ou de ses filiales, dans les cas où ces
cessions seraient de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux143. C'est dire que
dans les sociétés par actions, le droit de veto ne peut résulter que de la loi. Et, même
légalement instituée, l'action spécifique a vu sa licéité considérablement fragilisée
par la CJUE qui a jugé plusieurs fois que ces golden shares constituaient une
« entrave aux libertés de circulation des capitaux et d'établissement »144.
233. Si le droit de veto est exclu des assemblées d'associés pour des raisons
propres aux règles d'ordre public s'appliquant au droit de vote de leurs membres,
il devrait alors prospérer là où il n'est pas entravé par de telles règles, par exemple
dans les organes collégiaux de gestion tels que le conseil d'administration ou
138. V. infra, n° 247 et s.
139. En ce sens : A. VIANDIER, « Les actions de préférence », JCP E, 2004, 1440 ; A. COUET
et H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, op. cit., n° 452. Contra, v. T. MASSART, « Les actions
de préférence et la question du droit de vote », Dr. & patr. oct. 2004, n° 130, p. 84.
140. H. HOVASSE, « Le droit de veto », Dr. sociétés, 2014, dossier n° 5.
141. A. COUET et H. LE NABASQUE (dir.), Droit financier, op. cit, n° 452.
142. C. DUREAU-HAZERA et Ph. THOMAS, « Les golden shares dans les sociétés françaises »,
RTDF, mai 2016, n° 3.
143. Loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, art. 10-I, 3° ; loi
n° 2015-990 du 6 août 2015.
144. CJUE, 8 juill. 2010, C-171/08, BJS, nov. 2010, n° 11, p. 907, note M. MENJUCQ,
Rev. sociétés 2010, p. 514, note G. PARLEANI.

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