Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 175

Prise de décision irrégulière et existence du consentement

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§ 1. LE DÉFAUT DE CONSENTEMENT INDUIT PAR LE DÉPASSEMENT
DES POUVOIRS LÉGAUX DES ORGANES

256.  Les pouvoirs légaux des organes sociaux étant pleinement opposables
aux tiers, le défaut de consentement de la société causé par le dépassement de ces
pouvoirs n'engage pas la société (A), la théorie du mandat apparent ne pouvant
venir pallier ce défaut de consentement (B).
A. LA SOCIÉTÉ NON TENUE
PAR L'ACTE EN CAS DE DÉPASSEMENT DES POUVOIRS LÉGAUX
DE SES ORGANES
257.  La loi du 24  juillet  1968 et la directive du 9  mars 1966 ont posé les
jalons d'une véritable théorie des pouvoirs légaux au sein des sociétés. Celle-ci se
décline selon deux grandes règles. Première règle -  qui fera ici l'objet de nos développements  - : les pouvoirs des organes sociaux déterminés par la loi sont pleinement opposables aux tiers. Deuxième règle : les limitations statutaires des pouvoirs des organes sociaux sont inopposables aux tiers.
258.  Par application de l'adage « Nul n'est censé ignorer la loi », les tiers sont
réputés connaître l'étendue des pouvoirs légaux des organes des sociétés. En plus
d'avoir déterminé les contours de ces pouvoirs, le législateur a institué un système
de publicité légale des nominations et cessations des fonctions des dirigeants au
registre du commerce et des sociétés, ce qui permet aux tiers d'identifier facilement l'organe légalement habilité à engager la société8. Cette publicité légale met
à la charge du tiers un devoir de s'informer9, quand bien même l'acte en cause
serait d'un montant modique10.
En conséquence de quoi, l'acte passé au nom de la société par un dirigeant
qui aurait excédé les limites légales de ses pouvoirs n'engage pas la société, faute
de consentement. Il en va ainsi lorsque le dirigeant omet de requérir auprès de
l'organe collégial l'autorisation légalement exigée ou lorsqu'il engage la société
dans un domaine relevant des pouvoirs propres d'un autre organe.
259.  Cette opposabilité aux tiers des limites légales des pouvoirs des organes
sociaux, prévue par la directive du 9 mars 196811, reçoit une application particulièrement étendue puisqu'elle s'impose même aux tiers étrangers, l'appréciation
des pouvoirs des organes d'une société relevant de la lex societatis12. Deux tempéraments ont néanmoins été apportés par la loi. Ils concernent, d'une part le
8. Art. L. 210-9, al. 2, C. com. : « La société ne peut se prévaloir à l'égard des tiers des nominations
et cessations de fonctions des personnes » chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société
« tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées ».
9. CA Paris, 3 mars 2000, BJS, juill. 2000, p. 697, note J.-F. BARBIERI.
10. Cass. com., 26 nov. 1996, n° 94-19171, Bull. civ., IV, n° 292 ; Rev. sociétés 1997, p. 113, note
J.-F. BARBIERI.
11. Dir. CE, 9 mars 1968, 68/151/CEE, art. 9.1.
12. Cass. com., 21 déc. 1987, n° 85-13173, Bull. civ., IV, n° 281 ; Rev. sociétés 1988, p. 398 note
H. SYNVET ; Cass. com., 8 nov. 1988, n° 87-11234, Bull. civ., IV, n° 204 ; JCP, 1989, II, 21230, note
J.-F. BARBIERI ; Cass. com., 9 avr. 1991, n° 89-15362, Bull. civ., IV, n° 123 ; RTD. com. 1991.402,
obs.  Y.  REINHARD ; Rev.  sociétés 1991, p.  746 note R.  LIBCHABER ; Cass.  com.  9  mars 1993,
n° 91-11003, Bull. civ., IV, n° 94 ; Rev. sociétés 1993, p. 584, note Y. GUYON ; Cass. 1re civ., 8 déc.
1998, n° 96-11542, Rev. société 1999, p. 93, note Y. GUYON.

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