Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 18

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

posture de celui qui le donne selon qu'il est dans l'obligation de répondre à une
sollicitation ou qu'il prend l'initiative d'un acte et, à son tour, attend la réponse de
quelqu'un d'autre »2. D'autres auteurs considèrent, de façon assez similaire, que
le consentement « décrit une adhésion à une proposition extérieure et un accord
de soi à soi résultant d'une délibération »3. Parce que le consentement ne peut se
concevoir que dans un rapport à l'autre, parce qu'il est toujours donné en considération d'autrui, il se distingue de la volonté entendue comme la puissance intérieure par laquelle l'homme se détermine à faire ou ne pas faire quelque chose et
qui ne suppose donc qu'un rapport à soi4.
3.  Fruit d'une réflexion plus ou moins longue, le consentement se donne en
un instant pour engager la personne qui l'a exprimé dans un avenir plus ou
moins long5. Cet instant de l'engagement est donc décisif car chargé de conséquences. Alors, suffit-il de dire « oui » pour consentir6 ? Songeons aux -nombreux
« oui » extorqués, à tous ces « oui » qui veulent dire « oui mais », voire « non ».
Pensons encore à tous ces consentements que nous donnons à la chaîne, presque
mécaniquement, au moyen d'un simple clic (« j'accepte les conditions... ») sans
lecture préalable des engagements souscrits7. Et quelle signification peut-on
accorder aux gestes ou même au silence ? Ne pas exprimer sa-non-approbation
doit-il être assimilé à un consentement ? Qui ne dit mot consent-il vraiment8 ?
2. M. MARZANO, Je consens donc je suis..., PUF, 2006, p. 4.
3. F.  COSTE, P.  COSTEY, L.  TANGY, « Consentir : domination, consentement et déni »,
Tracés. Revue de Sciences humaines, 2008, n° 14, p. 5.
4. G. FRAISSE, Du consentement, Seuil, 2017, p. 51 : « Le consentement est comme une chose
qui circule d'un individu à un autre ; drôle d'objet, susceptible à la fois de maîtrise et de vol. Du plus
intime de soi-même au plus externe ; de l'intériorité de soi à la relation à l'autre... ».
5. F.  COSTE, P.  COSTEY, L.  TANGY, « Consentir : domination, consentement et déni »,
préc. : « Acte ponctuel, le consentement engage souvent l'individu dans la durée : par-delà le sens
juridique du terme qui en fait un contrat fixe, il faut y voir un processus soumis à des variations et des
aléas, susceptible d'être ou non renouvelé, et dans lequel l'individu dans sa totalité est engagé ».
6. G.  FRAISSE, Du consentement, op.  cit., p.  51 : « Entre accepter et permettre, entre
consentir à quelque chose et consentir quelque chose, comment y voir toujours clair ? Si j'accepte,
je suis un mouvement qui va vers l'extérieur de moi-même, qui m'entraîne vers l'autre ; si je
permets, je montre de moi le moins possible, je me tiens en retrait, dans une attitude minimaliste.
Accepter, c'est adhérer ; permettre, c'est supporter. Il existe un vrai spectre du consentement, un
large éventail d'affects pour énoncer un "oui". Je ne pense pas, ici, à l'arc-en-ciel des attitudes
possibles, distribuées dans toutes les nuances possibles du "oui" ou du "non". Je vois l'intensité des
états intérieurs d'un être porté à dire "oui" [...] le "oui" oscille toujours entre le choix et la
contrainte ».
7. Sur ce sujet, spécialement à propos de la protection des données personnelles, v. M. FŒSSEL,
« Je consens donc je jouis », Libération, 19 septembre 2019 : « Derrière ces bannières qui s'affichent et
exigent un clic pour libérer la vue, il y a toujours dilemme juridique : faut-il aliéner ce qui nous
appartient en échange de la jouissance d'un bien ? Mais le temps du droit n'est pas celui des machines
virtuelles. La volonté de maîtrise est lente alors que le désir d'accès incite à accélérer. Dans ces
conditions, consentir deviendra bientôt un mécanisme ».
8. L'adage « qui ne dit mot consent » vient de la maxime latine du Pape Boniface VIII : Qui tacet
consentire videtur (Décrétales, V, XII, 43). Il trouve une remarquable application en droit administratif
où la loi n°  2013-1005 du 12  novembre 2013 pose le principe selon lequel le silence gardé par
l'administration sur une demande vaut accord de celle-ci. Ce principe est désormais codifié à
l'article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l'administration. Mais en droit privé, de
jurisprudence constante, le silence n'a jamais été constitutif, à lui seul, d'un consentement. Pour une
illustration, v.  Cass.  civ., 25  mai 1870, Bull.  civ., n°  113 ; Cass.  1re  civ., 4  juin 2009, n°  08-14481,
Bull. civ., I, n° 113, RTD civ. 2009.530, obs. B. FAGES ; D. 2009.2137, note F. LABARTHE ; JCP G,
2001, 566, n° 9 obs. G. LOISEAU : « Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation,
il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification

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