Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 180

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

ce domaine. Pour autant, la jurisprudence ne dévie pas de sa ligne39, la constante de
fond demeurant l'exclusion quasi-systématique du mandat apparent. Pour exemple,
des engagements souscrits sans pouvoir par la fille du dirigeant40, par l'actionnaire
majoritaire41 ou encore par le directeur financier de la société42.
Ces arrêts de la Cour de cassation se signalent par une forme qui leur est très
généralement commune. Ce sont le plus souvent des arrêts de rejet qui se contentent
d'un contrôle léger, avec une simple reprise des circonstances de fait relevées par les
juges du fond. Les indices relevés pour exclure ou reconnaître un mandat apparent
renvoient aux circonstances de la conclusion du contrat et à la qualité des parties.
Parmi les indices relatifs aux circonstances, le critère de l'antériorité et de l'intensité des relations nouées est régulièrement pris en considération pour établir43
comme pour exclure44 l'existence d'un mandat apparent. L'examen de la qualité
des cocontractants peut également contribuer à caractériser le mandat apparent. Un arrêt récent l'illustre avec netteté45. Il s'agissait ici d'une salariée ayant la
qualité d'assistante de direction d'une société qui avait souscrit un contrat pour la
diffusion de messages publicitaires. Mais la société cocontractante demanda l'annulation du contrat en se fondant sur le défaut de pouvoir de cette salariée. La cour
d'appel, approuvée en cela par la Cour de cassation, a exclu l'existence d'un mandat apparent.  Les juges ont en effet constaté que les parties n'avaient entretenu
aucune relation commerciale antérieure et que la cocontractante n'a pas mis à profit le délai entre l'envoi de l'offre de contrat et sa signature pour vérifier l'habilitation de la salariée. Ils retiennent encore que la cocontractante n'a pas établi que la
salariée se fût prévalue d'une quelconque habilitation ou délégation de pouvoir
pour conclure le contrat litigieux, sa fonction de « responsable de site » étant trop
vague pour pouvoir établir de manière non équivoque qu'elle disposait bien de tels
pouvoirs. Or, en tant que professionnelle « aguerrie », la cocontractante ne pouvait
ignorer les règles de représentation des personnes morales. À lire les motifs de la
cour d'appel, repris par la Cour de cassation, la qualité de la cocontractante pèse
sensiblement dans l'appréciation des juges puisqu'il est ici (à peine) sous-entendu
que la qualité de professionnel -  « aguerri », qui plus est  - ne permet pas de considérer qu'il y a erreur légitime.
39. Quelques arrêts qui acceptent de reconnaître l'application du mandat apparent peuvent
néanmoins être signalés, notamment : Cass.  com., 9  mars 1999, n°  96-13782, Bull.  civ., IV, n°  57 ;
Cass. com., 10 mai 2005, n° 03-15388, RTD com. 2005.548, obs. P. LE CANNU.
40. 
Cass.  com., 13  janv.  2009, n°  07-17962, Dr. sociétés, nov.  2009, comm.  202, note
D. GALLOIS-COCHET.
41. Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-23125, BJS, mars 2012, p. 204, note H. BARBIER ;
Cass. com., 22 nov. 2011, n° 10-23125.
42. Cass.  3e civ., 15  juin 2011, n°  10-21085, BJS, nov.  2011, p.  857, note H. BARBIER ;
Rev. sociétés 2012, p. 226, note A. LATIL.
43. Cass.  com., 10  mai 2005, n°  03-15388, RTD  com.  2005.548, obs.  P.  LE CANNU : de
l'antériorité des relations, la cour d'appel a pu déduire que le directeur administratif et financier de la
société avait agi en qualité de mandataire apparent de cette société.
44. Cass.  com., 5  oct.  1993, n°  91-17109, Bull.  civ., IV, n°  319 ; RTD  com.  1994.353,
obs. B. BOULOC : la Cour de cassation censure la décision des juges du fond qui n'établit pas l'existence
d'une relation antérieure autorisant à ne pas vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire de la société
contractante. Cass. com., 27 juin 2000, n° 98-10814, BJS, déc. 2000, p. 1135, note Ph. DIDIER : « les
circonstances n'ont pu légitimement faire croire à la réalité des pouvoirs du signataire d'engager la
société, les parties n'étant pas en relations d'affaires constantes » ; Cass. com., 6 oct. 2015, n° 14-13812,
BJS, janv. 2016, p. 16, note N. FERRIER ; Rev. sociétés 2015, p. 733, note S. PREVOST : l'arrêt d'appel
ne relève pas « que les parties n'avaient entretenu aucune relation commerciale antérieure ».
45. Cass. com., 6 oct. 2015, n° 14-13812, préc.

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