Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 192

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

complique encore car les tiers désignés par les règles susmentionnées peuvent non
seulement être les tiers au contrat de société mais également les tiers à la personne
morale qu'est la société. Il faut donc s'accorder sur l'idée que les tiers à la société
sont les contractants de celle-ci : ce sont des tiers contractants.
288.  Il semble possible d'affirmer que les associés n'ont pas la qualité de
tiers. En effet, qu'ils soient des associés fondateurs ou qu'ils aient « adhéré à [la]
personne morale »113 après son immatriculation en souscrivant des parts ou
actions, ils deviennent parties au contrat de société et doivent, en conséquence,
respecter l'ensemble des clauses statutaires114. Par ailleurs, la Cour de cassation a
jugé que les dirigeants115 et membres des organes sociaux116 ne sont pas non plus
des tiers au sens du droit des sociétés, retenant ainsi de cette notion une conception davantage tournée vers la personne morale que vers le contrat.
À cet égard, un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 12 juin 2007117
explicite les raisons conduisant à exclure de la catégorie de tiers les organes
sociaux et leurs membres. Cet arrêt, d'une pédagogie exemplaire, est riche d'enseignements. En l'espèce, il s'agissait d'une SAS de gestion de deux fonds communs
de placement à risque qui était pourvue d'un directoire et d'un conseil de surveillance. Le litige portait sur la distribution d'une catégorie particulière des parts du
FCPR, destinées à être cédées à l'équipe de gestion au titre du carried interest. Les
membres du directoire avaient en effet décidé de leur distribution à leur seul profit
sans avoir obtenu pour cela l'accord du conseil de surveillance. Or, les statuts stipulaient que les conventions conclues entre les membres du directoire et la société
devaient être soumises à autorisation du conseil de surveillance. Le dépositaire
des fonds ayant refusé d'exécuter les virements de titres, les membres du directoire
avaient donc demandé en justice l'exécution forcée. Ils ont été déboutés de leurs
prétentions devant la Cour d'appel de Paris. Les motifs de la Cour doivent être ici
retranscrits tant ils sont importants et, à notre connaissance, inédits :
« Et considérant que selon l'article 1108 du Code civil, le consentement de la
partie qui s'oblige est une condition essentielle pour la validité d'une convention ;
Considérant qu'en subordonnant dans ses statuts la conclusion des actes
qu'ils visent, dont ceux litigieux, à l'autorisation préalable du conseil de
ils n'ont pas véritablement la qualité de tiers. Les tiers penitus extranei (tiers absolus, comme on pourrait
les appeler) sont les individus entièrement étrangers à la conclusion du contrat, ceux qui n'y ont figuré ni
par eux-mêmes ni par représentants, et qui ne sont pas les ayants cause des parties » ; Ph. MALAURIE,
L.  AYNÈS  et Ph.  STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, op.  cit., n°  794 : « La catégorie serait
tellement compréhensive, composée de tant d'éléments hétérogènes, qu'elle ne servirait à rien. Il serait
impossible de dégager une règle générale d'effets des conventions à l'égard des tiers ainsi conçus ».
113. J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties
et des tiers », préc.
114. D. CHOLET, « La distinction des parties et des tiers appliquée aux associés », D. 2004.1141 :
« L'associé est, enfin et surtout, partie à la société considérée comme un contrat. Le contrat de société
demeure malgré la formation d'un être collectif et d'une personne morale ».
115. Cass. 3e civ., 25 mai 2005, n° 03-16404, BJS, oct. 2005, p. 1133, note P. LE CANNU ; Dr.
sociétés, déc. 2005, comm.  121, note F.-X.  LUCAS : le gérant-associé n'est pas tiers au contrat de
société : les clauses statutaires limitant ses pouvoirs lui sont donc opposables
116. Cass. com., 4 nov. 2008, n° 07-18622, RTDF, mai 2009, p. 194, note D. PORACCHIA : les
membres du directoire d'une SAS ne sont pas des tiers au sens de l'article L. 227-6 du Code de commerce.
117. CA Paris, 12  juin 2007, n°  07/05264, RTD  com.  2007.789, obs.  P.  LE CANNU et
B. DONDERO ; BJS, déc. 2007, p. 1341, note P. LE CANNU ; Joun. sociétés, oct. 2008, n° 58, p. 24,
note D. PORACCHIA ; JCP E, 2007, 2312, note T. BONNEAU.

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