Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 194

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

quant à eux désignent les rapports que le représentant et le représenté entretiennent avec les tiers »123. La distinction ainsi opérée n'est pas sans rappeler celle
qui est faite à propos du contrat de mandat lorsque sont différenciés les effets
internes (entre mandant et mandataire) des effets externes (entre mandataire et
tiers)124. Cette distinction est ici appliquée à la personne morale avec, d'une part,
les effets internes (entre la personne morale et ses associés) et, d'autre part, les
effets externes (entre la personne morale et les tiers). Mais ce cloisonnement des
effets de la représentation ne suffit pas à expliquer comment opère l'inopposabilité aux tiers des limitations statutaires des pouvoirs des dirigeants.
En effet, ce n'est jamais le pouvoir de représentation du dirigeant qui se trouve
affecté par des limitations statutaires mais toujours son pouvoir de décision. Le
pouvoir de représentation étant un pouvoir d'exécuter les décisions sociales à
l'égard des tiers par une extériorisation de la volonté de la société, il est insusceptible
de limitations. Lorsque le dirigeant excède les limites statutaires de ses pouvoirs, il
dépasse en réalité les limites de son pouvoir décisionnel : il représente la société à un
acte en se fondant sur une volonté sociale qu'il n'avait pas le pouvoir de déterminer
seul. Qu'une autorisation préalable soit requise, qu'une co-signature soit exigée,
qu'un droit d'opposition soit susceptible d'être exercé, c'est toujours la prise de
décision qui est aménagée par les statuts. En conséquence de quoi, c'est bien l'organisation de la prise de décision -  et non l'étendue du pouvoir de représentation du
dirigeant  - qui est déclarée inopposable aux tiers.
291.  Ainsi que l'énonce en creux la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt précité125, lorsque le dirigeant social engage la société en excédant ses pouvoirs statutaires, il n'exprime pas le consentement de la société. Et pourtant, cette dernière
se trouvera tout de même engagée à l'égard du cocontractant126. La logique du
droit des sociétés, polarisée sur la protection juridique des tiers, affaiblit l'importance du consentement de la personne morale en admettant que celle-ci se trouve
valablement engagée par un acte qu'elle n'a en vérité pas pu consentir, faute de
volonté pour ce faire127.
123. Ph. DIDIER, « L'avenir des pouvoirs du président de la S.A.S après la loi N.R.E », LPA,
juill. 2002, n° 139, p. 136 ; « L'évolution de la représentation de la sociéé depuis la loi de 1966 », in
Regards sur l'évolution du droit des sociétés depuis la loi du 24 juillet 1966, op. cit., p. 71.
124. A.  GILSON-MAES, Mandat et responsabilité civile, thèse dacyl., Reims, 2013, n°  143 :
« L'exigence d'une action pour le compte du mandant fait référence au lien qui unit les seules parties
au contrat. En d'autres termes, il faut distinguer l'existence d'un rapport externe (celui qui s'établit
grâce au jeu de la représentation) de celle d'un rapport interne (celui qui ne concerne que les seules
parties au mandat). De ce point de vue, l'objet contractuel du mandat (rapport interne) est indépendant
de la manière dont vont se réaliser les effets juridiques à l'égard des tiers (rapport externe) ».
125. CA Paris, 12 juin 2007, n° 07/05264, préc.
126. Comp. Cass. 3e civ., 23 oct. 2019, n° 18-11425. Cet arrêt (non publié) rendu par la 3e chambre
civile de la Cour de cassation sème le trouble. En effet, la Cour de cassation juge, à propos d'un contrat
de bail conclu par un gérant de SCI n'ayant pas obtenu l'autorisation de la collectivité des associés
statutairement requise, que « la nullité d'une convention pour absence de consentement, qui vise à
protéger l'intérêt de la partie dont le consentement n'a pas été valablement donné, est une nullité
relative, de sorte que seule la SCI pouvait l'invoquer ». Pris à la lettre, cet attendu signifierait que ce
qu'il n'est pas possible de faire du point de vue du droit des sociétés (opposer aux tiers les limites
statutaires des pouvoirs du dirigeant), deviendrait possible en recourant au droit commun des
obligations (agir en nullité pour défaut de consentement). Gageons qu'il ne s'agit là que d'une simple
maladresse rédactionnelle de la Cour de cassation tenue de répondre aux moyens du pourvoi.
127. V., l'affirmant très nettement : CA Amiens, 31 oct. 1995, n° 378/95. Dans le cadre d'une
vente judiciaire immobilière, la gérante d'une SCI avait fait surenchère sans obtenir l'autorisation de
la collectivité des associés, alors que les statuts stipulaient que cette autorisation était nécessaire pour

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